Entre adhésion et violence, faire et refaire l’institution

Théâtre
Réflexion

Entre adhésion et violence, faire et refaire l’institution

Le 29 Mar 2018
Marie Bos, Alexandre Trocki, Claude Schmitz et Héloïse Jadoul dans Les Fortunes de la viande, écriture et mise en scène Martine Wijckaert, La Balsamine (Bruxelles), 2018. Photo Théodore Markovic.
Marie Bos, Alexandre Trocki, Claude Schmitz et Héloïse Jadoul dans Les Fortunes de la viande, écriture et mise en scène Martine Wijckaert, La Balsamine (Bruxelles), 2018. Photo Théodore Markovic.

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Marie Bos, Alexandre Trocki, Claude Schmitz et Héloïse Jadoul dans Les Fortunes de la viande, écriture et mise en scène Martine Wijckaert, La Balsamine (Bruxelles), 2018. Photo Théodore Markovic.
Marie Bos, Alexandre Trocki, Claude Schmitz et Héloïse Jadoul dans Les Fortunes de la viande, écriture et mise en scène Martine Wijckaert, La Balsamine (Bruxelles), 2018. Photo Théodore Markovic.
Article publié pour le numéro
Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

Lors d’un entre­tien réal­isé pour ce numéro d’Alternatives théâ­trales avec les mem­bres du col­lec­tif Tran­squin­quen­nal, un étu­di­ant de 2e mas­ter en Arts du spec­ta­cle1 qui nous écoutait deman­da ce qu’au fond, nous enten­dions par « institution(s) », terme que nous ne ces­sions d’employer. La ques­tion était posée certes avec un peu de timid­ité (peut-être feinte !) mais non sans per­ti­nence.

La notion revient sans cesse dans les dis­cours et les débats et lorsque, dans le monde théâ­tral, on évoque les insti­tu­tions, on fait aujourd’hui d’emblée référence à un vague cli­vage, à une vague dichotomie. La con­vo­ca­tion du terme au pluriel désigne en effet sou­vent les struc­tures théâ­trales établies, celles dont la péren­nité et l’ancrage sont assurés par une sub­ven­tion publique récur­rente dont l’attribution se passe générale­ment sans sur­prise. Des struc­tures bien vis­i­bles dans le paysage et dont les autres, plus petites, ne peu­vent se pass­er en ver­tu de la néces­sité de copro­duc­tions et de lieux de pro­gram­ma­tion. Les insti­tu­tions sont donc celles qui ont des moyens con­fort­a­bles, qui dis­posent d’espaces pour pré­par­er des spec­ta­cles et les mon­tr­er à un pub­lic et qui, dès lors, peu­vent con­tribuer à faire vivre l’ensemble du milieu mais, et telle est la con­no­ta­tion latente dans l’usage com­mun du mot, sou­vent au gré de leur bon vouloir. Et si, chez beau­coup d’artistes, la référence aux insti­tu­tions s’accompagne d’une moue dépré­cia­tive, c’est qu’un cer­tain malaise tend à croître à l’égard des formes de dom­i­na­tion exer­cées par des forts sur des faibles, des gros sur des petits…
De plus en plus d’artistes en effet s’organisent en com­pag­nies et cherchent à garder une autonomie max­i­male dans la créa­tion, la pro­duc­tion et la dif­fu­sion de leurs spec­ta­cles.

Aspi­rant ain­si tou­jours davan­tage à une sub­ven­tion qui per­me­tte un fonc­tion­nement struc­turel (et non plus seule­ment une aide aux pro­jets), ils devi­en­nent des con­cur­rents réels des théâtres « étab­lis ». Et ce d’autant que, pour ten­ter de rééquili­br­er quelque peu les mécan­ismes alié­nant les « faibles aux forts et les petits aux gros », les com­pag­nies indépen­dantes ten­dent à se struc­tur­er et se sont notam­ment fédérées dans une Cham­bre des Com­pag­nies Théâ­trales pour Adultes (CCTA). Dès lors, une cer­taine ten­sion tend à s’accroître. Les rela­tions se font plus dures et les posi­tion­nements plus nets. C’est que, en se struc­turant de la sorte, les com­pag­nies s’inscrivent dif­férem­ment dans le paysage théâ­tral : elles sor­tent de la posi­tion de petits opéra­teurs, nom­breux mais dis­per­sés et isolés, ani­mant large­ment la vie théâ­trale mais restant en posi­tion de deman­deurs vis-à-vis de ceux sus­cep­ti­bles de leur octroy­er les con­di­tions matérielles de leurs créa­tions.
Con­sti­tu­ant une CCTA, elles pren­nent une place plus cen­trale dans l’institution théâ­trale et, à ce titre, devi­en­nent sus­cep­ti­bles de par­ticiper à l’orientation de celle-ci. Cette volon­té de s’organiser, de se fédér­er, qui a guidé les com­pag­nies est bien un geste poli­tique par lequel sor­tir de la seule posi­tion d’« opéra­teurs » requérants, de béné­fi­ci­aires sans autre voix que l’éventuelle reven­di­ca­tion portée sur la place publique. L’autoconstitution en sous-struc­ture implique ipso fac­to l’engagement dans le fonc­tion­nement insti­tu­tion­nel, la par­tic­i­pa­tion à l’édiction des règles et des normes du milieu, en somme à la poli­tique de l’institution. Du moins cela en affirme-t-il le des­sein et le pro­jet. Car encore faut-il accu­muler le pou­voir de le faire en cap­i­tal­isant des moyens, soit du per­son­nel, du pou­voir économique et, surtout, une dimen­sion sym­bol­ique via la recon­nais­sance par un pub­lic nation­al ou inter­na­tion­al et par les médias.
Ce qui sig­ni­fie qu’il faut donc bien d’abord adopter les règles de l’institution pour obtenir une cer­taine légitim­ité, avant de chercher à trans­former les normes en vigueur.

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Nancy Delhalle
Nancy Delhalle est professeure à l’Université de Liège où elle dirige le Centre d’Etudes et...Plus d'info
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