Socrates appartient à une série de cinq monologues, écrits et mis en scène par l’Anversois Stefaan Van Brabandt, donnant chacun voix à un célèbre philosophe. Dans ce premier volet, on découvre la figure fondatrice de la philosophie occidentale sous les traits du comédien néerlan- dophone Bruno Vanden Broecke. Sur un plateau presque nu, durant une heure, le spectacle réussit le défi de donner vie au sage des rues d’Athènes. Belle entreprise que celle de donner un visage et un corps à un homme devenu mythe, un homme reconnu comme l’un des illustres penseurs de l’Histoire sans qu’il ait laissé un seul texte, et dont on connaît la pensée uniquement à travers des témoignages indirects.
C’est le premier élément émouvant du spectacle : Socrate, qu’on a décrit, encensé comme décrié depuis des siècles, dont on a rapporté l’attitude et les paroles de maintes façons contradictoires, se tient en chair et en os devant nous pour rétablir « sa » vérité. Le spectacle narre les derniers instants du philosophe, l’occasion pour ce dernier de revenir sur les circonstances de sa condamnation à mort. Dans un récit simple et direct, ce Socrate de fiction croise donc les éléments biographiques du personnage historique, les lignes majeures de sa pensée, ainsi qu’un regard sur l’un des procès les plus célèbres de l’Antiquité.
L’écriture de Stefaan Van Brabandt a le talent de nous entraîner dans les rouages d’une pensée fine et complexe, tout en gardant un ton léger, fidèle à l’esprit d’un Socrate qu’on imagine entier dans sa pratique de la sagesse autant qu’humble dans son rapport aux autres êtres humains. C’est que l’auteur croise lui-même plusieurs compétences : philosophe, acteur, dramaturge, chanteur et parolier. L’écriture du spectacle, sans qu’on puisse l’apparenter à une discipline plutôt qu’à une autre, est imprégnée d’une certaine façon de ces diverses influences. On y retrouve la précision d’une démonstration philosophique, l’aspect ludique d’une pièce de théâtre ainsi qu’une forme de musicalité, un flow porté par l’acteur Bruno Vanden Broecke, brillant soliste d’une partition qui paraît aussi libre que le serait une improvisation.