Tilde Björfors et le cirque contemporain en Suède

Cirque
Portrait

Tilde Björfors et le cirque contemporain en Suède

Le 19 Mar 2018
Limits de Tilde Björfors, production Circus Cirkor, 2016. Photo Mattias Edwall.
Limits de Tilde Björfors, production Circus Cirkor, 2016. Photo Mattias Edwall.

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Limits de Tilde Björfors, production Circus Cirkor, 2016. Photo Mattias Edwall.
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Article publié pour le numéro
Couverture deu numéro 134 - Institutions / insurrections
134

Tilde Björ­fors, direc­trice et fon­da­trice de la com­pag­nie Cirkus Cirkör, à l’origine du nou­veau cirque en Suède, compte plus de vingt ans de tra­vail. Aujourd’hui, alors que le cirque con­tem­po­rain est bien implan­té en Suède, elle con­tin­ue de tra­vers­er les fron­tières et de décloi­son­ner les arts de la scène en créant des spec­ta­cles ancrés dans les ques­tions d’actualité, comme celle de la migra­tion.
Sa dernière œuvre en grand for­mat est l’opéra de Philip Glass, Satya­gra­ha (2016), qu’elle a trans­for­mé en bras­sant tous les arts de la scène : musique, chant, réc­it, texte, jeu théâ­tral et cirque. L’histoire vraie du Mahat­ma Ghan­di et de ses années en Afrique du Sud, comme jeune avo­cat lut­tant pour les droits des immi­grés indi­ens, se trans­forme en une allé­gorie « réelle » de notre temps. Les cir­cassiens, qui brû­lent des passe­ports sur scène, mimant ain­si le geste de révolte que les ouvri­ers de l’industrie tex­tile ont posé en guise de protes­ta­tion con­tre les dis­crim­i­na­tions dont ils étaient vic­times, jouent avec le feu, le papi­er, les tis­sus et cor­dons – déjà util­isés dans son spec­ta­cle sur le thème du tri­co­tage, Knit­ting Peace.
Sur la scène du Folk­op­er­an (l’opéra pop­u­laire) de Stock­holm, les textes de Satya­gra­ha – la Voie de la vérité – sont pro­jetés sur de grands tis­sus. Le spec­ta­teur lit les notes philosophiques tout en regar­dant le spec­ta­cle et en s’immergeant dans la musique répéti­tive et min­i­mal­iste de Glass. La beauté est sai­sis­sante, sur le plan visuel comme sur celui des idées et de la réflex­ion sous-jacente.
Les asso­ci­a­tions et les trans­for­ma­tions scéniques sont habituelles chez Tilde Björ­fors, qui a tra­vail­lé avec de grandes insti­tu­tions, comme la scène nationale en Suède ou le Théâtre Roy­al de Dra­mat­en. Ce dernier a pro­duit le remar­quable Roméo et Juli­ette (2002), avec d’extraordinaires scènes de com­bats et de bouf­fon­ner­ies de rue.
L’unique nuit d’amour du cou­ple fut un tour de force de sou­p­lesse et de poésie à tra­vers des rideaux ten­dus ; inou­bli­able !
On dit de Tilde Björ­fors qu’il est dif­fi­cile de l’arrêter. Plusieurs fois, pen­dant les vingt-deux années d’existence de sa com­pag­nie Cirkus Cirkör (jeu de mots entre Cirque et Cœur), on a cru que c’était la fin – prob­lèmes financiers ou d’organisation, manque d’espace, et échec
per­son­nel d’avoir per­du la main sur la for­ma­tion uni­ver­si­taire qu’elle souhaitait met­tre sur pied. Mais elle s’est obstinée et elle tra­vaille aujourd’hui dans son lab­o­ra­toire-cirque.
« J’ai tou­jours rêvé d’un art où tout est pos­si­ble, qui s’ouvre à l’infini. Être direc­trice n’a jamais été mon objec­tif, mais il fal­lait bien que quelqu’un prenne cette respon­s­abil­ité. Au début, à vingt-qua­tre ans, j’étais un peu naive. La décou­verte de la néces­sité pour les artistes de cirque d’avoir un lieu pour leurs exer­ci­ces, pour per­fec­tion­ner leur dis­ci­pline et leur art, fut le point de départ de la con­sti­tu­tion d’une com­pag­nie sta­ble. »1
Tout a com­mencé au lycée où la classe de Tilde suiv­ait un stage de théâtre physique dans l’esprit de Gro­tows­ki, où le corps humain était util­isé comme un instru­ment qui devait être maitrisé par les acteurs.
Après quelques expéri­ences en Suède avec des théâtres qui s’inspiraient déjà d’Eugenio Bar­ba et d’Ariane Mnouchkine, Tilde a été invitée au Théâtre du Soleil pour une col­lab­o­ra­tion avec Pei Yan Ling de Pékin. Le temps passé à Paris lui a per­mis de décou­vrir le cirque nou­veau, qui se dévelop­pait au début des années 1990, et notam­ment l’Académie Fratelli­ni dans le Parc de la Vil­lette. Elle a pu assis­ter à des pro­duc­tions de plusieurs com­pag­nies comme Archaos, le Cirque Plume, le Cirque Baroque, le Cirque O, Les Oixa Fous, Les Arts Sauts.
« Pen­dant ces années à Paris, j’ai ren­con­tré beau­coup d’artistes scan­di­naves et il était clair qu’en Suède, nous avions un besoin urgent d’un espace pour nous excercer et répéter. Nous rêvions de pro­duc­tions for­mi­da­bles qui auraient changé la vie cul­turelle en Suède. Mais il fal­lait aus­si une per­spec­tive de péd­a­gogie. « Tout est pos­si­ble », c’était mon mantra ces années-là.
Nous avons créé un spec­ta­cle, La Créa­tion – tout est né du chaos, et nous avions un deal avec des écoles : des cours de cirque en échange de prêt de salles de sport pour nous entrain­er. »
Le cirque nou­veau se définit par un engage­ment social. Même la com­pag­nie la plus célèbre et la plus com­mer­cial­isé, le Cirque du Soleil au Cana­da, déclare avec fierté : « Nous n’oublions jamais que nous venons de la rue. »

  1. Les cita­tions sont tirées d’un entre­tien avec l’artiste réal­isé en 2017 et pub­lié en inté­gral­ité dans la revue Dans (suède) ↩︎

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