Souvenirs d’un acteur-créateur dans les théâtres de groupe au Brésil

Entretien
Théâtre

Souvenirs d’un acteur-créateur dans les théâtres de groupe au Brésil

Entretien avec Sergio Siviero

Le 27 Juil 2021
Sergio Siviero et ses archives pendant l’entretien réalisé le 15 janvier 2021 à São João del-Rei, Minas Gerais. Photo : Priscila Natany.
Sergio Siviero et ses archives pendant l’entretien réalisé le 15 janvier 2021 à São João del-Rei, Minas Gerais. Photo : Priscila Natany.
Sergio Siviero et ses archives pendant l’entretien réalisé le 15 janvier 2021 à São João del-Rei, Minas Gerais. Photo : Priscila Natany.
Sergio Siviero et ses archives pendant l’entretien réalisé le 15 janvier 2021 à São João del-Rei, Minas Gerais. Photo : Priscila Natany.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 143 - Scènes du Brésil
143

En par­courant les doc­u­ments que tu as réu­nis pour cet entre­tien (pho­tos, affich­es, cahiers de notes, let­tres, fax, etc.), on s’aperçoit que ta car­rière d’acteur est mar­quée par l’appartenance à des groupes très impor­tants de l’histoire du théâtre brésilien, et plus spé­ci­fique­ment de la ville de São Paulo, des 40 dernières années : le Teatro da Ver­tigem, la Mun­dana Com­pan­hia, le Teatro Ofic­i­na et plus récem­ment le Núcleo Bar­tolomeu de Depoi­men­tos. Il est fréquent que les comé­di­ens, suite à une longue expéri­ence au sein d’un groupe, veuil­lent suiv­re une car­rière solo ou se sen­tir auteurs de leurs pro­jets. On dirait que ce n’est pas tout à fait ton cas, non ?

Mon rap­port au théâtre est fon­da­men­tale­ment groupal. J’ai sou­vent flirté avec les arts plas­tiques et je pense que si j’avais choisi de devenir plas­ti­cien, j’aurais pris une voie plus indi­vidu­elle. En 1992, j’étais en Ital­ie et un artiste visuel con­nu m’a pro­posé un poste d’assistant qu’on ne pou­vait pas ne pas accepter. Je n’avais qu’à ren­tr­er au Brésil rapi­de­ment pour des raisons famil­iales et admin­is­tra­tives et repar­tir en Europe pour com­mencer le tra­vail. Mais en arrivant à São Paulo, mes amis avec qui j’avais fait l’École d’Art Dra­ma­tique (EAD) venaient de créer O Paraí­so Per­di­do (Le Par­adis Per­du, 1992), la pre­mière créa­tion du Teatro da Ver­tigem qui était jouée dans une église. J’ai assisté à des représen­ta­tions et ils m’ont pro­posé de rem­plac­er un des acteurs.
Je ne suis pas retourné en Ital­ie et je suis resté dix-neuf ans dans la com­pag­nie. Le Ver­tigem était un groupe de recherche, à l’origine. Il est né d’une pen­sée du col­lec­tif. C’était une com­pag­nie d’acteurs avec un met­teur en scène, Tó (Antônio Araújo), de la même généra­tion, sor­tis des mêmes écoles : des acteurs-chercheurs qui voulaient pour­suiv­re ensem­ble un proces­sus de for­ma­tion et de recherche sur le lan­gage scénique.
Les groupes aux­quels je me sens attaché, ce sont des groupes d’acteurs. Cela ne veut pas dire qu’il n’y pas de met­teur en scène : José Cel­so, par exem­ple, est le met­teur en scène du Teatro Ofic­i­na, mais c’est un met­teur en scène-acteur ; il est tout le temps avec nous au plateau, il joue et nous dirige en même temps, de l’intérieur.
C’est la puis­sance des acteurs, leur énergie col­lec­tive qui régit la scène. Ce n’est pas le cas d’Antônio Araújo. Lui, il coor­donne de l’extérieur les propo­si­tions apportées par les acteurs. Pen­dant toutes les années où j’ai fait par­tie du Ver­tigem, nous avons créé des dra­matur­gies col­lec­tives.
Nous nous con­sid­éri­ons comme des acteurs- créa­teurs, qui créent con­ceptuelle­ment l’œuvre. En fait, je peux dire que je me suis tou­jours sen­ti auteur, et de manière déter­mi­nante, de tous les spec­ta­cles aux­quels j’ai par­ticipé à la créa­tion.
Auteur, et non unique­ment inter­prète.

Con­crète­ment, que sig­ni­fie être acteur-créa­teur au sein d’un proces­sus col­lec­tif de créa­tion ?

Le Ver­tigem a fondé sa démarche créa­tive sur ce qu’on appelle le « proces­sus col­lab­o­ratif ». C’est une manière de faire qui a été partagée et relayée par d’autres groupes en même temps. Nous par­tons d’une thé­ma­tique, d’une préoc­cu­pa­tion partagée par les mem­bres du groupe. Au cœur de ce type de proces­sus de créa­tion il y a ce qu’on appelle la dépo­si­tion per­son­nelle (« depoi­men­to pes­soal »).

Est-ce une sorte de réc­it auto­bi­ographique fait par chaque acteur ?

Pas tout à fait. Le met­teur en scène lance une ques­tion au groupe, une provo­ca­tion, à laque­lle chaque acteur doit répon­dre de manière créa­tive, en pro­posant une scène capa­ble de traduire son point de vue sur la ques­tion, c’est-à-dire la manière dont le prob­lème soulevé l’affecte, le meut. Ces propo­si­tions-répons­es enga­gent tous les aspects de la scène : où le pub­lic sera placé, le texte, l’éclairage, etc. Il est auteur, donc. À par­tir de l’ensemble des répons­es indi­vidu­elles, aus­si dis­so­nantes soient-elles, on arrive à une réponse scénique col­lec­tive dans laque­lle chaque mem­bre du groupe peut se recon­naître. Cela demande de longs débats. C’est une rela­tion hor­i­zon­tale entre le met­teur en scène et les acteurs. Chaque acteur n’est pas une par­tie du tout, il est le tout de la par­tie.

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Maria Clara Ferrer
Maria Clara Ferrer est metteure en scène, dramaturge, traductrice et enseignante-chercheuse au sein du Département...Plus d'info
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