L’odyssée de Mélisse La Bellone – Days4Ideas

Compte rendu
Performance
Parole d’artiste

L’odyssée de Mélisse La Bellone – Days4Ideas

Le 16 Déc 2020
Droit étranger. Droit réapproprié, Véronique Dockx, De Markten (Bruxelles), septembre 2019. Photo Youssef Meftah.
Droit étranger. Droit réapproprié, Véronique Dockx, De Markten (Bruxelles), septembre 2019. Photo Youssef Meftah.

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Droit étranger. Droit réapproprié, Véronique Dockx, De Markten (Bruxelles), septembre 2019. Photo Youssef Meftah.
Droit étranger. Droit réapproprié, Véronique Dockx, De Markten (Bruxelles), septembre 2019. Photo Youssef Meftah.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 132 - Bruxelles, ce qui s'y trame
142

Odysseas était le nom du café. Sur le devant de la fenêtre, un chien accroupi, il parais­sait dormir, il parais­sait vieux. S’appelait-il Argos, comme le chien qui attend le retour d’Ulysse1 ? Sa peau flétrie, ses cheveux tombés, Ulysse ren­tre revê­tu de hail­lons, voilà un mis­érable, un dému­ni, mais son chien le recon­naît, puis meurt avant que le héros ne retrou­ve sa place : maître, père, époux et roi d’Ithaque. Ces his­toires de l’Odyssée sem­blaient avoir peu à voir avec son his­toire à lui. Le café devait son nom à ses pre­miers pro­prié­taires, des réfugiés venant d’Odessa, au bord de la mer Noire. Après la col­lec­tivi­sa­tion, dans les années 1930, une famine meur­trière avait été engen­drée arti­fi­cielle­ment par les autorités. Ils étaient par­tis et s’étaient retrou­vés là, sans papiers, avec peu et tout à repren­dre. Ils n’ont jamais pu revenir. Sur une petite étagère, à côté de la fenêtre, il y avait un vieil exem­plaire du livre d’Anna Akhma­to­va Poème sans héros. 

« Apporte-nous ceci ou cela ? Par­le-nous de ceci ou cela ? » Je suis habituée à répon­dre à ce type d’invitation et fus très sur­prise quand Mylène Lau­zon, Camille Louis et Emmanuelle Nizou me pro­posèrent de venir par­ticiper à Days4Ideas en m’adressant une tout autre ques­tion : « Com­ment souhaites-tu apporter ce que tu souhaites apporter ? » Je suis arrivée sur la pointe des pieds, je me sen­tais mul­ti­ple­ment étrangère et déplacée. C’était la pre­mière fois que l’on m’invitait à pro­pos­er un ate­lier dans une insti­tu­tion artis­tique con­sacrée aux arts de la scène et à tra­vailler avec un scéno­graphe, Gaë­tan Rus­quet. L’invitation à l’ensemble des participant.e.s por­tait sur la « mise en partage d’une idée » en expéri­men­tant des dis­posi­tifs sin­guliers et des for­mats spé­ci­fique­ment imag­inés en lien avec chaque propo­si­tion. Il ne s’agissait pas juste de venir par­ler de quelque chose : toute l’attention était mise sur la con­struc­tion d’un dia­logue en amont avec l’équipe de La Bel­lone sur la pos­si­bil­ité de réfléchir ensem­ble au « com­ment » en lien avec le « quoi ». Mul­ti­ple­ment étrangère, car Brux­elles était une ville que je ne con­nais­sais pas et parce que l’atelier devait se com­pos­er en trois langues (français, anglais, néer­landais) dont aucune n’est pour moi mater­nelle. Après une ving­taine d’années en France, par­fois j’oublie mon grec, cer­tains mots me man­quent et me vien­nent plus facile­ment en français. Mais j’ai tou­jours autant de mal à déchiffr­er le français qui se par­le depuis un ailleurs : un accent québé­cois ou celui de mon ami qui vient du Mali, et voilà que je retrou­ve ma stu­pid­ité, celle des pre­mières années à vivre à l’étranger, et ma pau­vreté, celle où tu com­prends à peu près le sujet de la con­ver­sa­tion mais tout d’un coup tout le monde se met à rire et tu n’as pas cap­té. Ou alors le sou­venir lorsqu’on te bal­ance des insultes racistes « des gens comme vous vien­nent ici nous pren­dre nos emplois », « des gens comme vous ne veu­lent pas s’intégrer », « des gens comme vous… », et ta langue bugge, fait nœud avec ta rage et les mus­cles de ton épaule. Avec le temps, tu arrives à maîtris­er suff­isam­ment la nou­velle langue pour ne pas essuy­er la dou­ble peine : la vio­lence et l’impossibilité de par­ler.

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Maria Kakogianni
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