Trouble dans le masque : de la subculture Queer à l’ère de l’Anthropocène

Théâtre
Portrait

Trouble dans le masque : de la subculture Queer à l’ère de l’Anthropocène

Le 22 Mar 2020
Björk, pochette de l’album Utopia, masque en silicone réalisé par James Merry en collaboration avec Hungry, 2017. Photo Jesse Kanda.

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Björk, pochette de l’album Utopia, masque en silicone réalisé par James Merry en collaboration avec Hungry, 2017. Photo Jesse Kanda.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 140 - Les enjeux du masque
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Les méta­mor­phoses du masque suiv­ent les trans­for­ma­tions socié­tales, qui, elles-mêmes s’accompagnent de renou­velle­ments esthé­tiques con­stants. Ain­si des masques étranges et hybrides ont-ils fait leur appari­tion, ses dernières années, sur les scènes d’avant-garde portées par les cul­tures LGBTQIA+1, des cabarets où se pro­duisent des créa­tures aux iden­tités trou­bles, aux cos­tumes et maquil­lages extrav­a­gants, voire aux masques fan­tasques. For­mi­da­ble lieu de créa­tiv­ité et de renou­velle­ment des imag­i­naires, ces per­son­nages sont les derniers avatars des numéros de trans­formistes hérités des scènes de cabarets et du music-hall, puis du mou­ve­ment drag-queen pop­u­lar­isé à par­tir des années 1990. Tra­ver­sant les fron­tières des gen­res mas­culin-féminin et à la croisée de la per­for­mance musi­cale et choré­graphiée, leurs numéros doivent rivalis­er d’excentricités. De ces scènes a émergé un per­son­nage trans­genre, hybride, mi-humain, mi-végé­tal, répon­dant au nom de Hun­gry, la « Dis­tord­ed Drag Ambas­sador ». Remar­quée par la chanteuse islandaise Björk qui suiv­ait ses mul­ti­ples méta­mor­phoses sur Insta­gram2, Hun­gry fut sol­lic­itée par celle-ci pour la maquiller sur son album Utopia (2018) et pour une série vidéo­clip. Jusqu’alors réservée à un cer­cle restreint et aver­ti : la plas­tique exubérante drag et queer s’exporte alors sur les scènes grand pub­lic. Renou­veau ou con­ti­nu­ité ? Cet univers foi­son­nant en cache-t-il un autre ? Qu’est-ce que ces esthé­tiques nous racon­tent-elles de nos mon­des con­tem­po­rains ?

Une poé­tique du masque à l’interface de plusieurs mon­des
Après des études de mode et une enfance dans une famille bavaroise con­ser­va­trice ultra-catholique, d’où il tient son amour pour l’habit « qui s’élève au-dessus des mass­es »3, Johannes Jaru­aak s’installe à Berlin et intè­gre le monde de la mode, du maquil­lage et des scènes under­ground berli­nois­es. Fasciné par l’anatomie, les squelettes, les formes, les matéri­aux, les « symétries organiques »4, il y crée ce per­son­nage, Hun­gry, souhai­tant inter­roger les per­cep­tions sur les fron­tières du beau, du fam­i­li­er et à la croisée des gen­res. Ses explo­rations le con­duisent à inven­ter des maquil­lages où les traits du vis­age sont dis­tor­dus, et les yeux démul­ti­pliés (« des yeux sous les yeux »5). Son objec­tif est clair : créer de l’illusion et une créa­ture hybride et post-humaine. 

La chanteuse islandaise Björk est engagée depuis ses débuts dans une explo­ration artis­tique mul­ti­modale à la croisée de la créa­tion musi­cale, plas­tique, numérique (arts visuels) et scénique. Une explo­ration artis­tique qu’elle a égale­ment menée durant treize ans avec son ex-com­pagnon, l’artiste plas­ti­cien Matthew Bar­ney, spé­cial­isé dans le Body Art, l’Art cor­porel, et auteur des déroutants Cre­mas­ter, une série de films réal­isés entre 1994 et 2002 met­tant en scène des créa­tures trans­gen­res, hybrides et cyborg inter­ro­geant une nou­velle human­ité en devenir, en muta­tion. Elle compte par­mi ses proches col­lab­o­ra­teurs un fac­teur de masque, James Mer­ry, né en Angleterre, qui vit à présent entre New York et l’Islande. 

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Johannes Jaruaak
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Nathalie Gauthard
Professeure en Arts du spectacle et Ethnoscénologie à l’Université d’Artois/SOFETH.Plus d'info
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