Cet article est le résultat d’une enquête auprès de fondateurs et responsables de lieux, associations et festivals positionnant le masque de théâtre comme sujet central. Mon regard s’est porté sur : l’espace culturel des arts du masque de la Compagnie Varsorio à Paris (Claudia Camara Campos et Nicolas Andrillon), l’Institut des Arts du Masque de Limoux (Guillaume Lagnel) ; l’association Les Créateurs de Masques, et, outre-Manche, le Mask Action Group actif via leur page Facebook (Anna Cottis) ; enfin, Masq’alors, Festival international du masque du Québec (Hildegund Janzing), le festival brésilien FIMC – Festival Internacional de Máscaras do Cariri (Dane de Jade), et le festival finlandais MasQue (2007 – 2015, Davide Giovanzana).
Presque tous sont issus d’une pratique du masque. Pourquoi ont-ils mis leur énergie, leur enthousiasme dans ces actions de valorisation du masque de scène ? Le constat initial serait quelque peu désabusé quant à l’intérêt des institutions culturelles : ce type de théâtre serait perçu par celles-ci comme mineur (DG), on constate une méconnaissance et de forts préjugés des programmateurs (CCC). De fait, des choses émergent, puis disparaissent par manque d’écoute. Il est dur de s’inscrire dans la continuité (GL). Les Créateurs de Masques ajoutent à cela la non-reconnaissance du métier de facteur de masques. Le constat semble inverse quand on parle du public : le masque interpelle tout le monde, quelle que soit la classe sociale, l’âge et l’origine (NA). Ça marchait bien, il y avait du répondant et plus de spectateurs (DG)…
Le principal besoin manifesté est celui de la transmission, au public, certes, mais aussi entre praticiens : la mission était d’amener en Finlande la culture du masque qui y était à peu près inconnue ; le festival était pour ceux qui ne se retrouvent pas dans le théâtre conventionnel (DG) ; le but du FIMC est l’échange, la formation et le plaisir (DdJ) ; le Mask Action Group est né de la constatation que les jeunes n’avaient pas vu de spectacles masqués alors que la pédagogie du théâtre avec masque est très répandue en Grande-Bretagne, il fallait créer une mécanique de réseau, des relais (AC) ; le projet initial de la compagnie Varsorio est tourné vers le partage, l’échange entre praticiens ; installés en quartier sensible, ils évoquent aussi l’initiation d’un public à qui le masque est inconnu (CCC). Les Créateurs de Masques sont un réseau de professionnels et ont pour but la connaissance et à la promotion du masque de scène.
Il ressort des discussions la présence de la pluralité culturelle, entre créations et traditions, et la mixité sociale des publics : l’Institut de Limoux, en partie consacré au carnaval, présente des expositions sur toutes les cultures de masques, tout comme l’espace de la compagnie Varsorio ; les festivals, à programmation internationale, accueillent tant du théâtre que des manifestations traditionnelles. Seules les associations restent orientées vers le spectacle, tout observant d’autres formes. Il ne semble pas y avoir pour eux tous de frontières entre des genres de masques. Au fond, le geste est premier, sans lui, le masque est orphelin (GL).
Au fond,
le geste est premier,
sans lui,
le masque est orphelin.
Très concrètement, les subsides proviennent de financements à l’interculturalité (Québec) et au social (Compagnie Varsorio) et non de la culture. Les associations sont autofinancées. Globalement, il semble que ce ne serait pas les subventionneurs des arts vivants qui soient mobilisés1. Sauf pour le festival finlandais MasQue, mais qui a dû arrêter faute de moyens.
Beaucoup soulignent la spécificité de théâtres non nés de la littérature (GL), d’un théâtre visuel, mal connu en Finlande (DG), mais bien admis outre-Manche (AC). Tous évoquent que le masque se voit toujours associé à d’autres arts (marionnette, cirque, jeune public, performance…) sans gagner son autonomie. Les Créateurs de Masques ont toutefois obtenu du festival OFF d’Avignon 2019 une première inscription de « masque » dans les genres proposés.
Une spécificité de ces théâtres non textuels serait aussi qu’ils disparaissent quand leurs créateurs disparaissent, alors dans la pratique, des brumes se réinstallent (GL). Quelles voies pour éviter qu’il en soit de même pour ces regroupements du masque ?
Le FIMC est né de la venue de Dane de Jade à Masq’alors, lui donnant l’impulsion de répliquer l’aventure dans sa région. Le Mask Action Group est apparu en regard du modèle des Créateurs de Masques. Assisterait-on à l’esquisse d’une mise en réseau internationale… de ces réseaux ?
Rejeté des institutions mais aimé du public, rassembleur mais constitué d’initiatives isolées, sans frontières culturelles et en quête d’autonomie… le masque reste un paradoxe ; non, plutôt, un oxymore car il rassemble les deux opposés (DG).
Candice Moise : Par souci de transparence, je précise que j’ai démarré il y a quinze ans comme factrice de masques avec la compagnie Varsorio, que je suis membre active depuis dix ans des Créateurs de Masques, que je fais partie du comité de programmation de Masq’alors depuis 2018, que je connaissais Anna Cottis. Je n’avais aucun lien avec les autres personnes interrogées.
- Par manque de détail pour les autres cas, je ne peux que supposer. ↩︎