Isabelle Dumont : Comment est née la maison de production de théâtre musical Muziektheater Transparant que tu diriges à Anvers ?
Guy Coolen : Au départ, j’étais assistant chez Muziektheater Transparant, une structure fondée en 1987 à Anvers, issue de l’Opéra de chambre de Flandre pour produire et promouvoir des petites formes lyrique innovantes.
Mais on ne recevait que des subventions par projet, et c’était en priorité pour des projets liés à la musique baroque et contemporaine… Les choses ont vraiment démarré quand on a reçu des subsides de fonctionnement pour 4 ans. J’ai alors pris la direction de la structure et j’ai opté pour le nom « muziektheater » (théâtre musical) plutôt que « kameropera » (opéra de chambre) Mais avec 25000 € par an, je devais me payer et produire 10 spectacles… Entre 1995 et 2000, notre budget est passé de 50000€ à un million d’euros, avec aujourd’hui plus de 200 représentations par an.
I. D. : Ton choix de cette dénomination « théâtre musical » était-il inspiré par des références, des influences ?
G. C. : Jerry Aerts, le directeur de deSingel (centre d’art international à Anvers) proposait alors un festival d’opéra contemporain et de théâtre musical. J’y ai vu beaucoup de choses, comme le marquant Jacob Lenz de Wolfgang Rihm ou les spectacles de la compagnie anversoise WALPURGIS qui proposait des créations de compositeurs flamands. Lukas Pairon, qui codirigeait WALPURGIS avec Judith Vindevogel, avait aussi créé le réseau international New Op qui permettait de découvrir des formes lyriques plus expérimentales. Il y avait beaucoup à voir à Bruxelles aussi dans le genre. À Gand, LOD venait d’être lancé, et était plutôt centré sur les relations du théâtre avec la musique…
Je me demandais ce que Muziektheater Transparant pouvait apporter de différent, de singulier. Jerry Aerts et Lukas Pairon m’ont aidé – j’avais 25 ans, c’était mon premier job – et j’ai commencé à collaborer avec Peter Maxwell Davies qui a beaucoup fait pour le théâtre musical en Angleterre. On a créé 3 de ses pièces, réunies en Triptiek van eenzaamheid en waanzin (Triptyque de la solitude et de la folie). C’était des mises en scène très simples, qui pouvaient donc tourner partout, avec quelques instrumentistes et chanteurs – très différent du Muziktheater allemand ! Évidemment, une partie du public a hurlé parce que ça n’avait plus rien à voir avec les opéras de chambre de Haydn et Mozart que Muziektheater Transparant proposait auparavant mais la presse nous a plébiscités et on a gagné le prix du meilleur spectacle. La collaboration avec Maxwell Davies s’est poursuivie en coproduction avec des maisons d’opéra pour des créations de plus grande envergure – comme l’opéra The Lighthouse (Le Phare), créé avec l’opéra de La Monnaie en 2001.