La saison sonore du théâtre national : Voix·e·s

Compte rendu
Performance
Théâtre

La saison sonore du théâtre national : Voix·e·s

Le 24 Avr 2022
Image du tournage de La vie sans nuit, création radiophonique du collectif La Brute, 2021. Photo Jérôme de Falloise.
Image du tournage de La vie sans nuit, création radiophonique du collectif La Brute, 2021. Photo Jérôme de Falloise.
Image du tournage de La vie sans nuit, création radiophonique du collectif La Brute, 2021. Photo Jérôme de Falloise.
Image du tournage de La vie sans nuit, création radiophonique du collectif La Brute, 2021. Photo Jérôme de Falloise.
Article publié pour le numéro
146

Les coups d’arrêt peu­vent avoir du bon. Lorsque la pandémie ferme en 2020 les portes des théâtres, cer­tains font le plein de cap­ta­tions vidéos, d’autres s’essayent au for­mat hybride, se sur­pren­nent à rêver du théâtre d’après ou de pages blanch­es à rem­plir autrement. Le Théâtre Nation­al Wal­lonie- Brux­elles, quant à lui, ouvre une qua­trième salle : Voix·e·s

Dessin réalisé par Noémie Marsily pour le projet La nuit peut tomber à tout moment, création radiophonique réalisée par Christophe Rault et écrite par Jean le Peltier, 2022.
Dessin réal­isé par Noémie Marsi­ly pour le pro­jet La nuit peut tomber à tout moment, créa­tion radio­phonique réal­isée par Christophe Rault et écrite par Jean le Pelti­er, 2022.

Le pro­jet était dans les tiroirs de Fab­rice Mur­gia, alors directeur du Théâtre Nation­al, depuis longtemps déjà : créer un espace dédié au sonore et met­tre en œuvre une pro­gram­ma­tion avec des for­mats exclu­sive­ment pen­sés pour l’audio. Pro­pos­er une sai­son par­al­lèle sonore. Avec comme intérêt à court terme de don­ner du tra­vail aux artistes soudain désœu­vrés et, à long terme, de resser­rer les liens entre théâtre et créa­tion radio­phonique1. Pour Car­o­line Berlin­er, à la fois comé­di­enne et réal­isatrice radio, « le théâtre et la radio sont deux pra­tiques qui ont beau­coup plus de choses à se dire que le théâtre et la cap­ta­tion vidéo, notam­ment par rap­port à l’espace lais­sé au spec­ta­teur. Là où l’image fige, le théâtre et le sonore con­vo­quent des espaces imag­i­naires qui dia­loguent2. » Son doc­u­men­taire Être venir aller en témoigne par le ques­tion­nement de sa pro­pre place de réal­isatrice dans cette réal­ité qu’elle enreg­istre sans chercher à en faire un réc­it. Chaque hési­ta­tion dans la voix, chaque rire, chaque refus de répon­dre à la ques­tion « d’où viens-tu » des­sine avec une acuité sen­si­ble à la fois les por­traits de ces mineurs étrangers du Petit Château (un cen­tre d’arrivée pour deman­deurs de pro­tec­tion inter­na­tionale) et celui, plus en retrait, de celle qui les écoute. Alors pour que ce dia­logue entre des espaces imag­i­naires puisse exis­ter même portes fer­mées, l’équipe du Théâtre Nation­al développe une Web App d’accès libre et y héberge, au rythme de trois ou qua­tre œuvres par semaine à par­tir de févri­er 2021, tan­tôt des pièces sonores exis­tantes tan­tôt des créa­tions. L’occasion pour cer­tains de s’essayer au son et de déplac­er une pra­tique théâ­trale. Ain­si du col­lec­tif La Brute et de leur spec­ta­cle de théâtre doc­u­men­té Pay­ing for it, créé en 2019 autour des tra­vailleuses et tra­vailleurs du sexe et dont il a fal­lu réin­ven­ter la forme pour que naisse le pod­cast La vie sans nuit. Avec comme mot d’ordre : don­ner la parole et la ren­dre audi­ble. Et donc réap­pren­dre à s’effacer pour la faire enten­dre le plus fidèle­ment pos­si­ble, en dépit des pou­voirs du mon­tage qu’ils (re)découvrent alors « On voulait faire une suc­ces­sion de por­traits mais il man­quait une sit­u­a­tion, racon­te Jérôme de Fal­loise, un des mem­bres de La Brute. En remon­tant tout, on a réus­si à faire croire que tout le monde était autour de la table alors que chaque per­son­ne avait été inter­viewée séparé­ment. » Accom­pa­g­nés par Car­o­line Berlin­er, ils décou­vrent l’importance du choix des micros et du matériel tech­nique, le son mat et l’atmosphère enfan­tine que crée la neige ain­si que l’ampleur du tra­vail d’écriture qu’exige la réal­i­sa­tion d’une pièce sonore, d’autant plus lorsqu’elle est doc­u­men­taire.

« À par­tir du moment où on est dans un espace avec un micro, témoigne Car­o­line Berlin­er, tout est poten­tielle­ment événe­ment, acci­dent, source d’attention et d’imaginaire. »

Une autre aurait pu dire : rien qu’un micro dans un espace et il y a le théâtre3.

  1. Sur cette rela­tion intime et pour­tant sou­vent oubliée, on pour­ra lire le récent ouvrage de Blan­dine Mas­son, Met­tre en ondes, Arles, Actes Sud, 2021. ↩︎
  2. Extrait d’une ren­con­tre effec­tuée le 6 avril 2020 au Théâtre Nation­al avec Car­o­line Berlin­er, Jérôme de Fal­loise
    et Jei­son Par­do Rojas. Voir retran­scrip­tion com­plète sur l’extension numérique de ce numéro. ↩︎
  3. Est ici détournée une phrase de Sarah Kane : « Rien qu’un mot sur une page et il y a le théâtre », in 4.48 Psy­chose, trad. inédite Eve­lyne Peil­li­er réal­isée pour la mise en scène de Claude Régy (2002). ↩︎
Compte rendu
Théâtre National Wallonie-Bruxelles
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Création sonore
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Chloe Larmet
Docteure en Arts du spectacle, Chloé Larmet mène une recherche sur les esthétiques scéniques contemporaines...Plus d'info
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