Avec Micha Goldberg, le Cifas inaugure un cycle d’expérimentations collectives, où la marche et la fête conspirent pour réinventer l’espace public.
Aux origines des fêtes de fin d’année, il y avait le culte de Mithra et les Saturnales : du 17 au 24 décembre. À cette occasion, des hommes et des femmes portaient des guirlandes autour du cou et s’offraient des cadeaux. On inversait aussi l’ordre social, puisque les esclaves et leurs maîtres échangeaient symboliquement leur place le temps de quelques jours. La Fête des fous a pris le relais des Saturnales. On y élisait l’abbé des sots et autres rois de Noël. Les enfants formaient des bandes de guisards (déguisés en vieux français) et allaient de maison en maison chanter et réclamer de menus présents. Dans le culte mithraïque, Mithra jaillissait de la roche d’une grotte avec une épée et une torche à la main. Il symbolisait la vigueur qui avait survécu aux ténèbres et à l’hiver.
Quelques symboles de ces fêtes ont persisté jusqu’à aujourd’hui. Mais les fêtes d’hiver qui occupaient l’espace public et donnaient un rôle à chacun n’existent plus. Bruxelles n’est épargnée ni par la privatisation de son espace public, ni par sa transformation en grand magasin. En plus d’être triste, la fête est franchement injuste. Comment fêter le solstice autrement ?
Le Cifas se pose la question ou plutôt relève le défi.
La nouvelle direction a invité Micha Goldberg, notre nouveau Mithra. Micha a été repéré pour son approche ludique, poétique et sociale de l’intervention artistique en milieu urbain. Revisitant les symboles des fêtes de fin d’année – de la procession enfantine des guisards aux fêtes de lumières et au port de la guirlande des Saturnales –, Micha et le Cifas ont imaginé un événement en deux temps. Une semaine durant, avant le solstice, une brigade de trottinettes électriques en tenue de lumière a tracé des sillons colorés dans les dix-neuf communes de Bruxelles. Et puis une grande marche a été organisée, reliant la rue de Flandre aux abattoirs d’Anderlecht.
Voici le récit du voyage.
Nous nous infiltrons dans la ville qui nous a laissés passer. Nous quittons le Cifas et la rue de Flandre en bourdonnant comme des abeilles. Micha nous dit dans un cornet que nous verrons ce que nous voudrons et que c’est ça la poésie.
Nous écoutons Joëlle Sambi, autrice et activiste née à Bruxelles et ayant vécu à Kinshasa. Elle lit des extraits de son recueil Caillasses à la porte d’Anderlecht.
Ils disent que nos seules présences dans la rue / le métro / les stades / les bars et les cafés / les bureaux, les hôpitaux / les parlements et les maternités / nos seules présences sont de trop.
Parce qu’il n’est désormais plus question qu’ils parlent à notre place / Plus question qu’ils décident pour nos ventres, tranchent nos salaires / Plus question qu’ils nous disent quelles lèvres embrasser / Quels corps enlacer / Quelles chattes lécher.