Pierre Droulers, Paris, vendredi 26 février, 16 h 40

Pierre Droulers, Paris, vendredi 26 février, 16 h 40

Propos recueillis par Bernard Debroux

Le 22 Avr 1981

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Échange belgico-italien-Couverture du Numéro 8 d'Alternatives ThéâtralesÉchange belgico-italien-Couverture du Numéro 8 d'Alternatives Théâtrales
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Dans une con­ver­sa­tion à bâtons rom­pus avec Bernard Debroux, Pierre Droulers racon­te son itinéraire dans le monde du spec­ta­cle tout en par­lant de cette nou­velle façon de tra­vailler le corps en rela­tio étroite et directe avec la musique, l’e­space, la lumière.

Bernard Debroux : Ton tra­vail est aux fron­tières de plusieurs démarch­es artis­tiques. Le pub­lic qui s’y intéresse est issu d’hori­zons très dif­férents. Cela m’a frap­pé lors de ton spec­ta­cle dans le cadre du Fes­ti­val Inter­na­tion­al de Brux­elles en 1979 (C’é­tait peut-être aus­si le fait de tout le Fes­ti­val).
J’y ai ren­con­tré des plas­ti­ciens, des gens de théâtre, des ama­teurs de musique et de jazz…
Tu pour­rais peut-être nous expli­quer com­ment tu en es arrivé là, parce qu’à l’o­rig­ine, tu es danseur…

Pierre Droulers : Mon père est pein­tre. J’ai vécu mon enfance dans un milieu de pein­tres et sculp­teurs. Donc j’ai tou­jours été sen­si­bil­isé à la lumière, aux couleurs, aux formes plas­tiques. Ca se pro­longe dans mon tra­vail : dans la lumière de scène, dans les rythmes de ces lumières et dans le corps des danseurs et entre les deux.
Ensuite, j’ai dan­sé, mais à Mudra1, j’ai touché à toutes sortes de pra­tiques : le yoga, l’ex­pres­sion vocale, le théâtre, les cours de jeu, le rythme, les per­cus­sions. Les cours de jeu, c’est tout ce qui est le tra­vail à par­tir des forces en mou­ve­ment. le tra­vail de mimétisme, de méta­mor­phose par rap­port aux élé­ments et dans des sit­u­a­tions dra­ma­tiques.
Les gens qui sont sor­tis de Mudra, avant que Mudra ne se spé­cialise plus par­ti­c­ulière­ment dans la danse, étaient éduqués dans plusieurs pra­tiques. Et comme j’é­tais assez insat­is­fait de ce qui se pas­sait à Mudra et en Bel­gique dans le domaine de la danse, j’ai com­mencé à tra­vailler avec un petit groupe de deux trois per­son­nes avec qui j’ai fait un pre­mier spec­ta­cle qui s’ap­pelait Désert où déjà je tra­vail­lais un peu et la lumière et l’élé­ment théâ­tral. A ce moment-là, je ne pou­vais pas imag­in­er de faire de la choré­gra­phie pure, de tra­vailler formelle­ment sur des corps, sans don­nées dra­ma­tiques.
Je pense que j’aimais tra­vailler sur plusieurs reg­istres, j’é­tais ouvert à plusieurs domaines qu’il m’in­téres­sait d’ex­plor­er, dans tous les liens qui exis­tent entre eux. Plus tard, j’ai péri­griné à droite, à gauche : je suis allé chez Gro­tows­ki, en Pologne, parce que je voulais savoir com­ment ils traitaient du corps là-bas.
Mon voy­age à New York a été très impor­tant. Là, j’ai tout de suite vu, dans les quartiers un peu expéri­men­taux que des danseurs tra­vail­laient directe­ment avec des musi­ciens, tra­vail­laient . directe­ment avec des objets, des formes plas­tiques. Que la danse était tout de suite inté­grée dans un ensem­ble de don­nées immé­di­ate­ment sai­siss­ables
Dans les pra­tiques du corps, de la danse, de l’im­pro­vi­sa­tion, des formes de con­tact, j’ai trou­vé une régénéra­tion fab­uleuse des pos­si­bil­ités de voir le mou­ve­ment en inter­ac­tion, en inter-rela­tion avec la musique, l’e­space, le milieu ambiant et des don­nées immé­di­ates dans le sens d’une per­cep­tion plus glob­ale du mou­ve­ment de l’être, plus raf­finée, moins spec­tac­u­laire et dés­in­téressée d’ex­pres­sion­isme ou de drama­tisme. Il y avait là une prise directe sur la néces­sité biologique du « bouger » et le plaisir immé­di­at du jeu. Loin du souci de se met­tre en représen­ta­tion, j’y voy­ais quelque chose de plus près de la vie. La
per­son­ne est tou­jours coex­is­tante à ce qui l’en­toure. Dans ce tra­vail, on retrou­ve une influ­ence ori­en­tale très nette.
Et c’est cela qu’on tra­vail­lait en Amérique, le com­porte­ment de l’in­di­vidu par rap­port à son envi­ron­nement et par­ti­c­ulière­ment, tout le tra­vail sur les media, la vidéo, la danse vue à tra­vers des écrans, toutes ces con­nex­ions qu’il y avait dans l’art.

B.D.: Moi, ce qui me frappe c’est que si tant est que les arts aient été tou­jours net­te­ment séparés (car au théâtre, par exem­ple, il y avait déjà lumière, mou­ve­ment, musique — même dans le théâtre tra­di­tion­nel -), il y a sou­vent une idée dom­i­nante autour de laque­lle les autres élé­ments doivent s’ar­tic­uler. Au théâtre, c’est la dra­maturgie, en général préétablie qui met à son ser­vice l’ac­teur, la lumière, l’e­space etc…
Ce qui me frappe aujour­d’hui, dans tout ce mou­ve­ment dont tu par­les, c’est que les dif­férentes expres­sions artis­tiques tra­vail­lent en liai­son mais gar­dent une cer­taine autonomie.
En tout cas, si on par­le de Hedges, je sens que le musi­cien et l’ac­teur sont totale­ment autonomes l’un par rap­port à l’autre. Donc, quand tu par­les de ces liaisons, il y a une recon­nais­sance de ne pas avoir, à l’in­térieur d’ex­péri­ences mêlées, liées, de dom­i­nante.

P.D.: Oui. Je crois qu’a­vant, à l’ère d’une cul­ture qui était machinique et typographique, il y avait un livret, il y avait une idée dom­i­nante et on rassem­blait les élé­ments autour de cette idée, mais au ser­vice de cette idée. Et aujour­d’hui, je crois qu’avec l’ère élec­tron­ique, entre autres, où les media sont des cir­cuits qu’on branche, où il n’y a plus une machine qui se met en bran­le petit à petit et qui va, dans une espèce de logique, vers un déroule­ment, Il y a des choses qui sont par elles-mêmes, qui exis­tent par elles-mêmes et qu’on peut met­tre ênsem­ble, mais qu’on ne doit pas met­tre ensem­ble. Je crois que pour Hedges ce qui est impor­tant, c’est que Steve Lacy est un musi­cien, il joue sa musique — sa musique existe par elle-même -. Hubert est quelqu’un d’ex­trême­ment sen­si­bil­isé par le phénomène de la lumière, qui est aus­si énergie pure. Moi, je tra­vaille sur le geste, le mou­ve­ment. On a voulu se retrou­ver, trois per­son­nes, à la fois entière­ment libres et à la fois avec le désir de chem­iner ensem­ble et de décou­vrir tout ce qu’il y avait d’in­ter-rela­tion entre nous. Ce qui est impor­tant, c’est que cha­cun ait sa pro­pre évo­lu­tion mais qu’on laisse ouvertes toutes les pos­si­bil­ités de ren­con­tre et ou de non-ren­con­tre qui peu­vent se pro­duire.

B.D.: Chaque fois que le spec­ta­cle a lieu, y‑a-t-il des moments inscrits et des moments libres ? Le tra­vail me sem­ble extrême­ment struc­turé…

P.D.: Mais une struc­ture vivante n’est pas une chose pré-établie, toute réglée. Si chaque per­son­ne qui est autonome et libre est assez maître d’elle-même, la chose peut paraître struc­turée, même si elle est tout à fait impro­visée C’est impor­tant, on croit en général que les struc­tures, c’est quelque chose qu’on pré-établit : tu te places là, à tel endroit, etc. Je crois en fait que la vraie struc­ture, … j’hésite …, c’est ce qui se passe tout de suite main­tenant. Il y a des gens qui sont là. Tu vas danser, il y a un type qui va jouer de la musique : ça, c’est la vraie struc­ture. Ce que je dis là, c’est très influ­encé par Steve Lacy parce que j’ai beau­coup par­lé de cela avec lui.

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Bernard Debroux
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Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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