Il y a dix ans, dans l’ouverture du numéro anniversaire, 1979 – 2009, trente ans d’alternatives théâtrales, je soulignais, en compagnie de Georges Banu, les lignes de force qui avaient assuré la pérennité de notre revue. Parmi celles-ci, la plupart d’entre elles ont continué à marquer de leur empreinte la décennie suivante : attention portée aux artistes émergents, élaboration des numéros autour de thématiques en prise avec la création contemporaine, ouverture sur le monde, analyse de l’art de la mise en scène et des écritures, alternance de textes critiques et de paroles d’artistes, équilibre entre texte et images qui fait de la revue un objet esthétique à même d’évoquer le plaisir du théâtre.
L’équipe de rédaction de notre publication qui assure la continuité de ces lignes de forces, et les renouvelle, a proposé d’organiser ce numéro qui marque les 40 ans de la revue autour de deux thèmes : les alternatives et la création au collectif.
En parcourant les quelques 140 numéros qui jalonnent l’histoire de la revue, on peut observer que ces deux dimensions sont au cœur des éditions que nous avons imaginées et réalisées et qu’elles trouvent ici, dans ce regard rétrospectif, ce temps d’arrêt dans l’histoire, comme une affirmation des engagements que nous avons toujours portés.
On trouvera dans le cahier spécial qui, au cœur de cette édition, retrace les dix dernières années de publication de la revue, un choix, forcément subjectif, d’extraits de textes et d’images issus des livraisons de ces dix ans, du numéro 100 au numéro 138 (de 2009 à 2019)1.
Miroir des sociétés dans lequel il évolue, le théâtre de ces dix dernières années, dont nous avons tenté de rendre compte et que nous avons eu le désir d’analyser, est marqué par les tensions qui irriguent le champ social : les nouvelles technologies de l’image et du son ont envahi les scènes, le métissage des disciplines artistiques, présent depuis un certain temps déjà, trouve son épanouissement et son affirmation dans la diversité des origines nationales des artistes et créateurs, la mise en scène, discipline longtemps dominée par les hommes, à quelques exceptions près, voit aujourd’hui les femmes s’en emparer avec bonheur, l’écriture de plateau réaffirme le rôle déterminant de l’acteur dans le processus de mise en scène.
À l’heure des réseaux sociaux et d’une société en voie de médiatisation généralisée, il est réconfortant de voir le théâtre, art minoritaire, être si vivant. La volonté de continuer à inventer le théâtre dont témoignent les collectifs de création à qui l’on a donné la parole dans ce numéro, nous invite à poursuivre notre travail de présentation et d’analyse des formes nouvelles des arts de la scène d’aujourd’hui et de demain, avec un peu de savoir et beaucoup de saveur.
- Cette décennie a marqué aussi le développement des éditions Alternatives théâtrales par la multiplication des hors-séries : outre le numéro des 30 ans cité plus haut, 22 ouvrages ont été publiés qu’on retrouvera à la rubrique éditions de notre site www.alternativestheatrales.be. 1999 : Territoires intimes, Michèle Noiret la danse cinéma ; Varier/demeurer, 21 saisons au théâtre Varia ; Être intime/Être public – Charles Tordjman, 18 ans de théâtre à la Manufacture. 2010 : Thierry Smits, le corps sous tensions. 2011 : Jo Dekmine et le 140, une aventure partagée. 2012 : Jacques Delcuvellerie, Sur la limite, vers la fin. 2013 : Georges Banu, les Voyages ou l’ailleurs du théâtre ; Villes en scène ; Isabelle Pousseur, le théâtre, art de l’autre ; Pédagogies théâtrales. 2014 : 20 ans et la vie devant soi, Théâtre Le Public ; Métamorphoses. 2015 : Claudio Bernardo, Écrire le geste. 2016 : La Rose des vents ; Krzysztof Warlikowski, l’art video à l’opéra ; Ingrid von Wantoch Rekowski, musique en corps. 2017 : Jean-Marie Piemme, Accents toniques. 2018 : Marco Martinelli, se faire lieu ; Poétiques de l’illusion – Dialogues contemporains entre marionnette et magie ; Scène contemporaine japonaise ; L’Ancre, un théâtre royal en résonance. ↩︎