Nul ne revient vivant au pays de sa jeunesse

Nul ne revient vivant au pays de sa jeunesse

Le 17 Mai 1991

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Théâtre testamentaire Oeuvre ultime-Couverture du Numéro 37 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre testamentaire Oeuvre ultime-Couverture du Numéro 37 d'Alternatives Théâtrales
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JE voudrais m’in­ter­roger sur ce que sig­ni­fie et à quoi se réfère le titre du spec­ta­cle de Tadeusz Kan­tor : JE NE REVIENDRAIS JAMAIS ICI. En polon­ais, sa sig­ni­fi­ca­tion pos­sède une nuance légère­ment dif­férente de celle de la ver­sion française : Je ne reviendrai jamais, ou anglaise : I Shall Nev­er Return. Et encore une autre en ital­ien : Qui non ci torno piu. En français et en anglais, cela sig­ni­fie qu’il ne revien­dra pas, en général. En polon­ais qu’il ne revien­dra pas — ici. De même dans la tra­duc­tion ital­i­enne, mais là, par con­tre, l’expression acquiert, en quelque sorte, un car­ac­tère inten­tion­nel.

Le titre polon­ais autorise une ques­tion con­crète ; où ne revien­dra-t-il pas ? Sur la terre ? Au théâtre ? En Pologne ? A Cra­covie ? Est-ce un spec­ta­cle sur la mort ou sur un adieu au théâtre ? Ou peut-être une fuite hors du lieu et de l’espace où évolue Cricot ? Cha­cune de ces ques­tions paraît fondée. Il faut sans doute d’abord se deman­der s’il s’agit véri­ta­ble­ment d’un adieu ou seule­ment d’une déf­i­ni­tion s’appliquant à un spec­ta­cle con­cret.

Kan­tor lui-même a déjà fourni la réponse : il pré­pare tout sim­ple­ment le spec­ta­cle suiv­ant. Puisque nous avons affaire non pas à une déci­sion per­son­nelle défini­tive mais au thème d’une œuvre, nous devons réfléchir à quoi l’auteur a décidé de dire adieu.

JE NE REVIENDRAIS JAMAIS ICI est très cer­taine­ment la somme de toute la créa­tion théâ­trale de Kan­tor — depuis LE RETOUR D’ULYSSE, de 1944, jusqu’à QU’IOS CRÈVENT LES ARTISTES, de 1985. Elle se com­pose de scènes, de per­son­nages, de motifs, d’objets « machines » et de frag­ments de musique issus des spec­ta­cles suc­ces­sifs. Ceux-ci n’ont cepen­dant pas été dis­posés chronologique­ment ni selon le principe d’une « antholo­gie » mais con­stituent les élé­ments d’une con­struc­tion basée sur les con­cep­tions essen­tielles de son esthé­tique.

Il s’agit ici avant tout des con­cepts d’illusion et de réal­ité autour desquels Kan­tor bâtit tout son théâtre. De cet indis­so­cia­ble cou­ple d’opposition, point de départ du principe de con­traste et de con­tro­verse qui car­ac­térise ses œuvres. D’un côté en effet nous avons des actions ser­vant à démas­quer et à détru­ire l’illusion et, de l’autre, son appari­tion con­stante. Les ready-made, la famil­iar­ité du lan­gage, l’authenticité des per­son­nages fait face à des objets de car­ac­tère allé­gorique, des per­son­nages imag­i­naires, des ébauch­es de réc­it. Là une référence au sym­bol­isme, là-bas l’anti-esthétique de Duchamp. Le feu et l’eau.

« Dans cette étape de ma créa­tion est finale­ment venu ce moment que je com­mence à con­sid­ér­er comme un « résumé » — »

écrit Kan­tor dans le pro­gramme de JE NE REVIENDRAI JAMAIS.

«… pour mon util­i­sa­tion per­son­nelle j’ai créé l’idée de Réal­ité qui reje­tait la notion d’illusion … le JEU, la représen­ta­tion, la « repro­duc­tion » de ce qui a été écrit dans le drame / dans la « pièce » / … Je n’étais cepen­dant pas ortho­doxe au point d’y croire jusqu’au bout. Dans la pra­tique j’étais, « en marge », en proie au doute et cela a prob­a­ble­ment préservé mes spec­ta­cles de l’ennui et de la froideur …Com­ment était-ce vrai­ment avec cette réal­ité. Ai-je réelle­ment tout fait pour elle ? Lorsque je devais être un enfant, quelqu’un d’autre était cet enfant, pas moi réellement/ cela se jus­ti­fie encore /. Lorsque je devais mourir, quelqu’un d’autre mourait. Me « jouait » mourant. Et ce « jeu » que j’avais exclu fonc­tion­nait par­faite­ment …»

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