« Voyons grand pour les petits. » Le slogan fait mouche. Il habite la page d’accueil du site Internet, les sacs en tissu, les documents et l’âme de cette association bientôt jubilaire. Une invitation claire, noble et salutaire. À l’image du théâtre jeune public belge francophone, défendu ardemment par la Chambre des théâtres pour l’enfance et la jeunesse, dite plus communément « CTEJ 1 ». Espace de veille active, de débats et de solidarité.
Au ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles ou dans les cabinets ministériels successifs, les interlocuteurs2 le savent ou bien le découvrent à leur tour : le théâtre jeune public (TJP3) se démarque par la solidarité qui règne au sein de son secteur et de ses travailleurs. La CTEJ en est l’illustre exemple : existe-t-il, dans un autre pays, un lieu où les compagnies se retrouvent autant ? En concertation régulière, elles n’ont de cesse de réfléchir et d’ériger de nouvelles voies de professionnalisation. Est-ce justement lié à l’importance du projet qui sous-tend le TJP ? Parmi ses spécificités, celui-ci ne se départ effectivement pas du souci constant du jeune spectateur et de la volonté d’aller à sa rencontre. Sa qualité artistique notoire, sa portée humaniste et citoyenne, ses regards aiguisés, sa volonté de ne pas pédagogiser le caractérisent. Oui, il s’agit bien de voir grand.
Qui dit chambre dit repos. Or, rien de tel dans cette chambre-ci, où l’ébullition prévaut. Avec l’effervescence d’idées, de rencontres et de discussions entre de nombreuses compagnies représentées. Si elles étaient une quinzaine en 1976, sous la houlette de Maurice Sévenant (cofondateur de la CTEJ), puis une quarantaine en 1997 (avec Catherine Simon, présidente de 1982 à 1997), elles sont, à présent, 120 à la composer. Ce qui fait potentiellement du monde autour de la (très grande) table !

Préservation, formation, transmission, publication, festival
En 2025, à la tête d’une équipe de quatre employés, Virginie Devaster – seize ans de maison, dont treize à la direction – nous précise que l’association relève aujourd’hui du décret des arts de la scène (2022), décret plus global que ne l’était l’ancien, relatif au théâtre pour l’enfance et la jeunesse (1994). En tant que « structure de service, puis en tant que festival et fédération », son contrat-programme avec la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit des missions de « promotion, formation et publication ». Sa première raison d’être ? « Faire reconnaître le TJP sur le plan institutionnel. » La directrice explique qu’au fil du temps, « en plus de la défense du secteur, il y a eu, au moment où Margarete Jennes présidait le CA, la volonté de développer davantage la réflexion artistique en axant sur la professionnalisation avec des formations, entre autres ». Par la suite, une stagnation des subventions a généré un regain de défense sectorielle, avec également « une attention portée sur le fait d’émanciper encore davantage la démarche artistique de l’aspect pédagogique ». Récemment, au moment d’entrer dans le nouveau décret, un travail important a consisté à « faire reconnaître le TJP comme une démarche à part entière tout en préservant ses spécificités ».
Pour œuvrer à ses missions, la CTEJ réunit ses compagnies en conseil, une fois par mois. Celles-ci constituent l’assemblée générale, dont les membres effectifs désignent le conseil d’administration. Il existe également plusieurs commissions : une relative au festival « Noël au théâtre », une autre à la transmission « au sens large. Envers les artistes émergents, mais aussi pour que l’information circule entre nous ». Enfin, une dernière commission est destinée aux éditions : « Dans le but de sensibiliser à la lecture dès le plus jeune âge et d’accompagner la diffusion des spectacles lors des tournées, la CTEJ publie deux livres par an au minimum : un texte de théâtre et un livre illustré. »
Concernant les formations, « la dernière en date s’est déroulée en 2023 – 2024, pendant sept jours, en collaboration avec la Bela Académie ». Il s’agit d’un « Parcours de formation socioprofessionnel arts vivants jeune public » pour aborder « tout ce qui est lié à la professionnalisation, l’émergence, la création, la diffusion, la médiation, la promotion. Une formation en comptabilité fait partie des projets à venir ». Par ailleurs, l’association s’implique désormais davantage dans l’organisation des « Rencontres théâtre jeune public » puisque la somme dévolue à ce rendez-vous (la FWB y consacre 200 000 €) transite par elle depuis peu.