Un parcours artistique transmédia et immersif
Le temps d’une soirée organisée chez une amie, des jeunes flirtent, dansent, commettent des erreurs, et s’égarent plus ou moins. Le spectacle To like or not d’Émilie Anna Maillet propose de suivre le quotidien de plusieurs adolescents après une soirée organisée chez l’une d’entre eux, Alma. Chacun revient sur ce qui s’est passé : sur ce qui s’est dit et ce qui se raconte depuis ; sur ce qui a été entendu, filmé et projeté sur les réseaux sociaux lors de cette soirée. Car les écarts amoureux et charnels de l’une des adolescentes sont au cœur d’une polémique les jours suivants. Celle-ci constitue le cœur même du spectacle : des réputations sont en jeu et ces adolescents se retrouvent confrontés à des éléments de leur vie intime qu’ils ne souhaitent ni dévoiler ni retrouver exhibés sur les réseaux sociaux.
Sur scène, le plateau mobile permet à plusieurs espaces de cohabiter. Ils figurent les lieux refuges des adolescents : leurs chambres, mais encore des lieux où ils « font bande », aux abords d’un panier de basket par exemple, ou, en fond de scène, sur une plateforme surélevée (reflet de l’état vertigineux lié à leur âge juvénile) – et qui est leur véritable lieu de rencontre pour échanger sur la soirée et ses conséquences tumultueuses. La simultanéité des espaces habités par chacun de ces jeunes permet alors d’embrasser la diversité des points de vue quant à la répercussion de la soirée. Les textes se partagent entre monologues, soliloques et dialogues. Ils expriment autant les ressentis personnels et intimes que les échanges collectifs. Ici, la jeunesse est à la fois dépassée, en prise avec les réseaux sociaux et l’image exacerbée de soi (parfois incontrôlée et incontrôlable) ; mais, encore, elle est partagée entre prise de conscience de leur dangerosité et du comportement addictif qu’ils génèrent.
Or, il ne s’agit pas seulement d’un spectacle de théâtre, mais d’un « spectacle augmenté », avec un parcours interactif pour le spectateur, avec un entrelacs de dispositifs et de supports médiatiques favorisant son développement sur un temps long. En effet, l’immersion et la liberté de déambulation entre les différents médias permettent au spectateur de faire appel à sa créativité et à sa capacité de discernement. L’objectif de ce parcours étant de figurer plusieurs temps qui convergent vers la représentation sensible de la pièce de théâtre, avec un « avant » la soirée (la websérie), un « pendant » la soirée (la VR , l’expérience virtuelle), et enfin un « après » la soirée (à savoir la représentation théâtrale, qui condense les sept journées et nuits qui s’ensuivent).
Le déroulé temporel se décline ainsi : le spectateur assiste au spectacle To like or not, d’une durée d’une heure et demie, où il est témoin des sept jours suivant la soirée. Il en perçoit notamment les conséquences, avec l’usage fatal des réseaux sociaux sur la réputation de certains. Il y a ensuite l’épicentre de l’événement, avec l’expérience immersive de VR (réalité virtuelle) qu’est la soirée « Crari or not ». « Faire crari » signifie « faire semblant » ou « faire genre ». Il s’agit d’un emprunt au parler adolescent (expression pourtant désuète en 2025 du point de vue de la langue adolescente). Les spectateurs, informés dès le début du spectacle, ont la possibilité de visionner six modules numériques sous forme de performance immersive dans la vie du groupe d’adolescents. Cette plongée dans leur intimité (pour certainement mieux saisir leurs émotions et leurs interrogations) leur permet de vivre cette soirée depuis la focale d’un des personnages, de 15 ou 16 ans. Enfin, une web série « To like » propose le visionnage de plusieurs épisodes sur l’application Instagram1, pour découvrir les personnages du spectacle évoluant au sein de leur lycée, quatre mois avant la soirée.