Tout naît du faire-ensemble

Entretien
Théâtre

Tout naît du faire-ensemble

Entretien avec Julie Deliquet 
du Collectif In Vitro

Le 21 Nov 2019
Jean-Christophe Laurier, Anne Barbot, Gwendal Anglade, David Seigneur, Agnès Ramy dans La Noce de Bertolt Brecht (1er volet du Triptyque). Mise en scène Julie Deliquet. Photo Sabine Bouffelle.

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Jean-Christophe Laurier, Anne Barbot, Gwendal Anglade, David Seigneur, Agnès Ramy dans La Noce de Bertolt Brecht (1er volet du Triptyque). Mise en scène Julie Deliquet. Photo Sabine Bouffelle.
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Couverture du numéro 139 - Nos alternatives
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CHANTAL HURAULT 
Pour­rais-tu nous racon­ter les débuts d’In Vit­ro ? Est-il né d’une impul­sion col­lec­tive ou d’un désir indi­vidu­el ?

JULIE DELIQUET  J’ai été à son ini­tia­tive. Mon expéri­ence de mise en scène ne me sat­is­fai­sait pas car j’avais le sen­ti­ment de per­dre à l’abord de la représen­ta­tion les enjeux du col­lec­tif. Cela m’habitait néan­moins et j’ai décidé de con­tac­ter une quin­zaine d’anciens cama­rades, de manière très ouverte, pour retrou­ver la stim­u­la­tion du faire-ensem­ble que l’on avait con­nue dans les écoles. Il s’agissait de nous rassem­bler autour de cette idée pas­sion­nante de la répéti­tion et du désir de remet­tre la place de l’acteur au cen­tre, quitte à ce qu’il n’y ait pas de postes à la lumière ou au son. Puis j’ai mon­té Derniers remords avant l’oubli de Jean-Luc Lagarce avec six d’entre eux. Ont suivi d’autres spec­ta­cles pour lesquels je les rap­pelais jusqu’à rassem­bler cette quin­zaine de per­son­nes. Tout était donc en germe et s’est mis en place au plateau.

CH
Avez-vous eu besoin de penser ensem­ble des fon­da­men­taux, d’écrire un man­i­feste ? 

JD Nous n’avons pas intel­lec­tu­al­isé ce que nous fai­sions. Si une charte est née entre nous, c’est unique­ment au fil du tra­vail. Ce que je peux dire c’est qu’au bout de sept ans, lorsque j’ai pour la pre­mière fois tra­vail­lé hors In Vit­ro pour mon­ter Vania à la Comédie-Française, j’ai dû met­tre des mots sur cette iden­tité, expli­quer une méth­ode. Je n’en avais pas eu besoin jusque-là puisque nous avions gran­di ensem­ble. Je me suis égale­ment inter­rogée sur l’argent que l’on me don­nait. Allais-je réalis­er une scéno­gra­phie, moi qui n’en avais jamais fait en bonne et due forme ? J’ai pris con­science qu’une iden­tité exis­tait, con­stru­ite sur un manque d’argent mais qui cor­re­spondait à un choix auquel je devais rester fidèle. Je dirais même que de ce manque d’argent, nous avons fait un man­i­feste.

CH
Te sens-tu faire par­tie d’une généra­tion ?

JD Je revendique avoir fait par­tie d’un mou­ve­ment, ce qui a été ras­sur­ant et jouis­sif. Avoir pu tra­vailler dans des théâtres tel que celui de Vanves qui présen­tait les col­lec­tifs les uns avec les autres et non pas con­tre, a nour­ri un faire-ensem­ble quand nos par­ents l’ont peut-être éprou­vé plus poli­tique­ment, après 1968. Le mythe des maîtres a per­duré pour eux. La recon­nais­sance des trente­naires qui accè­dent à des lieux sub­ven­tion­nés n’existait pas quand j’avais vingt ans. 

CH
Dans cette généra­tion qui vous a précédés, recon­nais-tu des précurseurs ?

JD Le col­lec­tif des Pos­sédés a été fon­da­men­tal pour moi. Leur Oncle Vania a légitimé un théâtre libéré de ses fastes. J’ai été telle­ment trans­portée que je pen­sais ne jamais mon­ter Vania car je ne pou­vais pas le faire avec In Vit­ro. Je l’ai fait plus tard avec une autre troupe… Mnouchkine avait été un de mes grands chocs d’adolescence du point de vue de l’acteur. J’ai été fascinée par la pra­tique de l’écriture de plateau de Syl­vain Creuze­vault, sa façon de faire impro­vis­er ses acteurs sur des dis­cours his­toriques tel que ceux du Comité du salut pub­lic pen­dant la Ter­reur. Enfin, si je suis loin de ses codes esthé­tiques, Frank Cas­torf m’a mar­quée pour l’insolence et la puis­sance des acteurs, la façon dont ils peu­vent rompre la dis­tance avec le jeu, avec le pub­lic. Ce furent des déclics qui ont ani­mé mon regard de spec­ta­trice, en me per­me­t­tant de m’émanciper.

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Julie Deliquet
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Chantal Hurault
Docteure en études théâtrales, Chantal Hurault a publié un livre d’entretiens avec Dominique Bruguière, Penser...Plus d'info
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