L’esthétique de la danse japonaise

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L’esthétique de la danse japonaise

Le 26 Avr 1985
Hana - Fleur

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Hana - Fleur
Article publié pour le numéro
Le butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives ThéâtralesLe butô et ses fantômes-Couverture du Numéro 22-23 d'Alternatives Théâtrales
22 – 23
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Hana

La beauté de la danse passe néces­saire­ment par le corps, mais elle passe néces­saire­ment aus­si par le dépasse­ment du corps. La danse, expres­sion sym­bol­ique de la vie par le mou­ve­ment ryth­mique du corps, repose sur le pos­tu­lat que la vie s’é­ti­ole peu à peu au fil du temps.

C’est à cela que Zea­mi1 fait allu­sion lorsqu’il écrit dans Kaden­shô : « avant tout, qu’il soit clair que la fleur (hana) du nô fleu­rit au fil de ses atti­tudes et mou­ve­ments tou­jours changeants ». Zea­mi par­le du corps comme d’une fleur éphémère, un obsta­cle à franchir avant que puisse s’é­panouir la fleur impériss­able de la beauté de la danse. C’est ce per­pétuel renou­velle­ment qui con­stitue, pour lui, la vie même de la danse, sa fleur impériss­able.

Zea­mi dit « la fleur » où l’Oc­ci­den­tal dirait « l’esthétique », mais ce mot con­cret rejoint bien peu le sens absolu et abstrait que véhicule le con­cept occi­den­tal. Zea­mi pour­suit sa métaphore en com­para­nt la danse à une fleur « inso­lite » ou « fasci­nante » dès lors qu’elle s’étiole et fane. Cette « fas­ci­na­tion » exprime en ter­mes émo­tion­nels la fraîcheur tran­si­toire qu’évoque la fin d’une fleur. Ain­si la danse, fleur qui s’é­ti­ole à peine éclose, renaît sans cesse et vit éter­nelle­ment.

La danse ori­en­tale

Le mot français « danse » vient du fran­cique dan­sôn, qui sig­ni­fie « déploy­er son corps »2. La déf­i­ni­tion que donne Paul Valéry de la danse, soit une ten­ta­tive pour s’af­franchir du sol et affirmer sa pro­pre exis­tence, s’éclaire lorsque l’on con­sid­ère la danse occi­den­tale : les bras ten­dus loin au-dessus de la tète, le corps se dresse sur la pointe des pieds, pro­gres­sant fréquem­ment par sauts et par bonds.

Mais la danse japon­aise, où les hanch­es sont déprimées afin de faire paraître le corps plus tra­pu et étroite­ment soudé au sol, avec aus­si ses pas glis­sés et ses appels du pied, prend l’exact con­tre­pied de la déf­i­ni­tion de Valéry, mar­quant au con­traire une puis­sante affinité pour le sol à la sur­face duquel elle évolue et dont elle a pour objet d’affirmer l’existence. Ain­si au fond, la danse occi­den­tale aspire au ciel tan­dis que l’orientale mon­tre un pro­fond amour pour la terre3, et cette diver­gence fon­da­men­tale leur a inspiré des types de mou­ve­ments pas moins dif­férents, tan­tôt ray­on­nants et exten­sifs, tan­tôt inten­sifs au con­traire. La danse occi­den­tale veut exprimer un monde dis­tinct et dis­sem­blable de celui où se déroule l’existence quo­ti­di­enne de l’homme ; la danse japon­aise évoque ce monde sous les traits d’un par­adis insé­para­ble de la vie de tous les jours, exp­ri­mant l’un et l’autre comme en surim­pres­sion.

Ces deux esthé­tiques dif­fèrent égale­ment en ce que la tech­nique de la danse occi­den­tale tend à exal­ter la beauté de la jeunesse, quand la japon­aise vise idéale­ment à ren­dre la beauté du grand âge : oki­na4, la danse du vieil­lard, est la plus sacrée, la plus ardue tech­nique­ment et la forme idéale par­mi toutes les dans­es du Japon.

Dans la danse ori­en­tale, appa­rais­sent à la fois un code moral de respect et de politesse et un aspect sacré sous la forme d’une « voie » (do) ou doc­trine.

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Gunji Masakatsu
Critique, écrivain, professeur et homme de théâtre, est une autorité reconnue sur tous les secteurs...Plus d'info
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