« Par une de ces reconnaissances qui dénouent les tragédies, cout le monde le saluait comme un fils de roi. ».
Théophile Gautier.
LE CAPITAINE FRACASSE
SOUVENT au théâtre, de grandes interrogations paraboliques prennent l’air d’insupportables inventions. Leur « irréalité » criarde semble être le propre d’une scène où règne la machination sans nulle caution du vraisemblable, d’une scène extravagante où tout est permis. C’est d’ailleurs là que l’on trouve une des sources de ce « théâtral » tant décrié. À l’excès des larmes qui rend suspect à Hamlet le chef des comédiens trop affecté par « la mort d’Hécube » s’ajoute, comme autre raison du doute à l’égard du théâtre, l’irruption d’éléments qui interviennent par surprise, perçus par le public comme étant fonction de la seule volonté de l’auteur. En fin de compte, le célèbre « deus ex machina ».
Le théâtre a cultivé, certes, les conventions exacerbées, mais, pour qu’elles fonctionnent pertinemment, la mise en scène doit leur chercher des motivations internes et des légitimités secrètes. Sans ce travail, elles resteront sans aucun impact dramatique : un simple artifice d’écriture. Le metteur en scène ne peut se contenter de l’accepter comme une donnée gratuite, comme une ruse d’auteur en panne d’invention, comme une banale stratégie. Saisir l’enjeu de ce qui revêt l’aspect d’une convention abusive est un devoir du travail théâtral. Et une de ces conventions que l’on repère souvent, c’est le motif de l’enfant abandonné.
Nombreuses sont les œuvres où le motif paraît. Que veut-on dire par cet infanticide dissimulé dont l’histoire du théâtre regorge ? L’enfant abandonné sert de point de départ à tant de récits dont la solution finale accorde au motif une coloration tragique ou mélodramatique ! Si on l’effleure aujourd’hui, c’est intimement convaincu qu’il porte en lui une réflexion sur l’homme et ses différentes manières d’accéder au monde. Il y a d’un côté ce rejet initial – tentative d’effacement délibérée ou pas de l’enfant – et il y a de l’autre côté le retour – craint par certains et souhaité par d’autres. Ainsi le théâtre nous rappelle sans cesse que le sort des parents reste à jamais lié à cette décision ou accident inaugural. Le vieux père retrouve toujours sur son chemin l’enfant qu’il a cru pouvoir écarter… Laïos et Œdipe chez Sophocle, Curcio et Eusebio chez Calderon. Et combien d’autres encore…