« À ceux qui naîtront après nous » : l’exploration d’un territoire à la limite du théâtre

« À ceux qui naîtront après nous » : l’exploration d’un territoire à la limite du théâtre

Entretien avec lsabelle Pousseur

Le 23 Déc 1994
Photo, Danièle Pierre.
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Article publié pour le numéro
Lettres aux acteurs-Couverture du Numéro 46 d'Alternatives ThéâtralesLettres aux acteurs-Couverture du Numéro 46 d'Alternatives Théâtrales
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Marc Schreiber. Photo Danièle Pierre
Marc Schreiber. Pho­to Danièle Pierre

ALTERNATIVES THÉATRALES : Hormis l’une ou l’autre séquence, À CEUX QUI NAITRONT APRES NOUS est con­sti­tué par les réc­its, faits par les acteurs, de leur pro­pre vie. En tout cela fait env­i­ron cinq heures de spec­ta­cle. À tour de rôle et dans des espaces dif­férents, amé­nagés pour n’ac­cueil­lir qu’un petit nom­bre de spec­ta­teurs, chaque acteur con­fie au pub­lic l’his­toire de sa vie et lui con­te les petits riens ou les drames qui jalon­nent son passé. La ligne est très étroite entre le dévoile­ment de faits privés, per­son­nels, et la théâ­tral­i­sa­tion de cette intim­ité. À cer­tains moments, d’ailleurs, cela bas­cule plus d’un côté que de l’autre.

I.P.: La ques­tion que nous nous sommes posée dans ce spec­ta­cle est celle de l’au­to­bi­ogra­phie des acteurs, de la prise de parole de l’ac­teur sur sa pro­pre vie. Très vite, dans les répéti­tions, j’ai décidé d’es­say­er de rester au degré zéro de la for­mal­i­sa­tion de cette prise de parole. Au départ, je n’avais pas décidé que la forme serait sim­ple­ment : « je racon­te », mais tout à coup j’ai eu envie de cet extrême-là, de cette ten­ta­tive à la lim­ite du théâtre.

Tout de suite s’est posée la ques­tion de la théâ­tral­i­sa­tion. À par­tir de quand le théâtre est-il là ? à par­tir de quand est-ce que ça bas­cule ? pourquoi la per­son­ne qui est en face de moi est un acteur et moi un spec­taceur ? Et le fait de vouloir se pos­er ces ques­tions nous était néces­saire comme pour nous débar­rass­er de réflex­es formels, d’habi­tudes de gens de théâtre. Cela reve­nait à se dire : main­tenant, il y a deux per­son­nes, il y en a une qui par­le et une qui écoute, c’est la sit­u­a­tion de base, qu’est-ce qui fait que ça devient du théâtre, ou que ce n’en est pas. Tous les acteurs ont beau­coup tra­vail­lé sur l’ex­trême sim­plic­ité de cette propo­si­tion.

Je sais que lors des représen­ta­tions de févri­er et encore main­tenant, il y a des gens qui trou­vaient qu’on était en deçà du théâtre à cer­tains moments. Nous on ne le savait pas très bien d’ailleurs si ce qu’on fai­sait était du théâtre. De toute façon, ce n’est pas une ques­tion qui me per­turbe ter­ri­ble­ment. Je ne peux plus être com­plète­ment à l’in­térieur du théâtre. Je ne le maîtrise plus ou je le maîtrise trop. C’est plutôt entre les deux : je le maîtrise trop et du coup je ne le maîtrise plus.

A.T.: Dans le spec­ta­cle, les acteurs se racon­tent à la pre­mière per­son­ne, en util­isant leurs mors à eux. Ces longs mono­logues-con­fes­sions élaborés par les acteurs com­posent donc le texte du spec­ta­cle et l’on est ten­té de le juger en tant que tel.

I.P.: Per­son­ne ne se croit auteur dans ce spec­ta­cle, per­son­ne n’a cette ambi­tion. Ce que j’ai voulu faire, c’est pouss­er jusqu’au bout et jusqu’à la ren­con­tre avec le pub­lic, la part per­son­nelle que l’ac­teur donne à la créa­tion.

L’ac­teur inter­vient tou­jours nar­ra­tive­ment dans un spec­ta­cle. On ne dit jamais de lui qu’il est auteur, mais qu’il écrive un texte, qu’il en impro­vise un autre ou qu’il mette un sous-texte à son texte, même si la dif­férence existe, je ne suis pas sûre que l’acte en lui-même soit fon­da­men­tale­ment dif­férent. La grande dif­férence dans ce spec­ta­cle, c’est qu’on va jusqu’au bout de cet apport per­son­nel de l’ac­teur et qu’on le pousse jusqu’à son expres­sion défini­tive vis‑à­ vis du pub­lic. Mais cela existe dans tout tra­vail d’in­ter­pré­ta­tion, l’ac­teur investit tou­jours à cer­tains moments sa pro­pre his­toire, et cela même dans des textes qui lui sont totale­ment étrangers.

Moi par exem­ple, j’ai eu à ce sujet des expéri­ences très sen­si­bles. Quand on a créé JE VOULAIS ENCORE DIRE QUELQUE CHOSE, MAIS QUOI ?1, le point de départ, c’é­tait L’HOMME ET L’ENFANT d’Adamov. Au début du tra­vail j’avais dit aux acteurs que je ne voulais pas traiter Adamov à tra­vers les images fortes qui étaient d’emblée induites par son univers, et je leur avais pro­posé de faire un tra­vail où l’on chercherait des asso­ci­a­tions entre des élé­ments nar­rat­ifs de L’HOMME ET L’ENFANT et des événe­ments qu’eux-mêmes avaient vécus. Finale­ment, on n’a pas obtenu les droits de représen­ta­tion du texte (si on les avait obtenus je ne sais pas ce qui se serait passé), mais les acteurs eux-mêmes ont souhaité pour­suiv­re ce tra­vail sur des images de leur enfance. La matière nar­ra­tive est donc dev­enue celle-là, alors que, dans un pre­mier temps, ce que l’on était en train de faire, on le fai­sait au ser­vice d’un texte. Ce tra­vail d’im­pro­vi­sa­tion, je le fais sou­vent, même quand je monte des pièces de théâtre.

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Entretien
Isabelle Pousseur
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Linda Lewkowicz
Ancienne rédactrice en chef du magazine Scène – La Bellone. En 2010, elle a mis...Plus d'info
Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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