Notes sur ce que je cherche
« SI JE TENTE DE DÉFINIR ce que j’ai cherché à faire depuis que j’ai commencé à écrire, la première idée qui me vient à l’esprit est que je n’ai jamais eu envie de répéter dans un livre une formule, un système ou une manière élaborés dans un livre précédent. »1 Et cela en déroute plus d’un. Pourquoi changer sans cesse d’écriture, Pourquoi faire de l’écriture un exercice ? Pourquoi parler de l’écriture par la forme ? Pourquoi apparaître comme « une machine à produire des textes. » Est-ce pour fuir un parcours assuré et reconnaissable de l’auteur qui laboure d’année en année le même sillon ? Pourquoi vouloir lancer les dés à chaque fois, Sans doute parce que j’investis des champs de recherches qui sont en réalité des enquêtes sur moi-même, des tentatives pour saisir une vérité de moi, jusqu’à considérer, à force, tout ce travail sur soi (moi) comme le désir de se (me) désaliéner du mensonge de l’existence si bien assimilé et digéré par la société policée des femmes et des hommes qui, jour après jour, se mentent à eux-mêmes, souvent à leur insu, sur ce qu’ils sont, et considèrent cette attitude comme vraie. Contre l’acceptation de se mentir à soi-même, j’essaie de noter comment capter une écriture différente, comment, au moyen de l’indifférencié de la langue des autres, construire un texte qui dise parfois « je », sans jamais l’avouer, l’écriture théâtrale avançant ou masquée ou démultipliée comme les images d’un kaléidoscope. De ces questionnements et doutes, de ces trois aventures, quel est le vrai ? Quel est le faux ? Quel est le vrai-faux ? Comment entendre ces trois questions ? « Sur les ruines du vrai et du faux, le vrai-faux s’installe. Nous l’employons tous les jours, il est la trame de notre vie, mais le plus souvent nous ne l’identifions pas. Il échappe à tous nos efforts pour le définir en fonction de ces entités, le vrai et le faux, que nous croyons plus solides et qui pourtant n’ont pas en elles-mêmes de définition propre. Un dictionnaire, que j’aurai la charité de ne pas nommer, proclame que le vrai est le contraire du faux et que le faux est le contraire du vrai. Quant au vrai-faux, il n’est ni la contradiction, ni l’identification des contradictoires, ni l’inimaginable, ni l’indécidable. Il n’est pas davantage le ni vrai ni faux. Il n’est pas une moyenne dans un continuum. D’aucuns en viennent à se demander s’il existe. Son problème est donc dialectiquement semblable à celui de l’existence de Dieu »2.
Ce que je peins, je dépeins avec les mots est-il vrai ? Est-il faux ? Ou vrai-faux ?
Vérité en peinture, vérité d’écriture ?
Cette question du vrai-faux de l’écriture se poursuit d’un essai à l’autre, d’un texte à l’autre jusqu’à l’une de mes dernières pièces, LES BAIGNEUSE (1997)3, où neuf femmes s’examinent, se jaugent et s’affrontent. Neuf corps féminins : Mam’zelle Coco, Madame Margoc Madame Nicky, Mademoiselle Rita, Mam’zelle Sissi, Madame Suzon, Mademoiselle Zaza, Madame Zulma
et une jeune fille, Alice. Cézanne, qui n’en finissait pas avec ses baigneuses, disait : « Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai. »4 L’écriture théâtrale peut- elle relever, de la vérité de l’oeil, le défi’ De cette affirmation — devoir la vérité en peinture et la dire — découlent mes propres interrogations liant ici l’oeil, le peintre et l’écrivain. Questions et notes au sujet de cette pièce, peut-être vraie-fausse, sur les femmes, LES BAIGNEUSES :