Mettre debout des gens qui sont à genoux

Mettre debout des gens qui sont à genoux

Entretien avec Anita Van Belle

Le 11 Oct 1995
BELGICAE d'Anita Van Belle. Photo Marie-Françoise Plissart.
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ANITA VAN BELLE : Pour moi, au théâtre, d’abord il y a le pub­lic, parce que sinon, de toute façon, il n’y a pas de théâtre. Il y a du pub­lic et il y a des acteurs, parce que le théâtre, c’est de l’én­ergie qui cir­cule. Et si l’én­ergie ne reste que sur la scène, il n’y a pas de spec­ta­cle. Donc d’of­fice, il y a du pub­lic, et d’of­fice, il y a une série de ques­tion­nements : com­ment fonc­tionne-t-on par rap­port à lui. C’est sûr que le pub­lic est une des bases, une des con­di­tions mêmes du théâtre, parce qu’il est la caisse de réso­nance. Puis, après cela, le théâtre pour moi, ce sont trois choses : les comé­di­ens, l’én­ergie, la parole. Mais tout cela s’ar­tic­ule sou­vent vers le poli­tique. Dans mon fan­tasme de théâtre, au niveau esthé­tique, tout tourne autour de la parole et le poli­tique ça tourne autour du dis­cours, donc de la parole. Là prend forme pour moi le théâtre. Chaque fois que j’en­tends un ordre, que j’en­tends une into­na­tion par­ti­c­ulière ou que je pense au dia­logue dans le sens où des éner­gies souter­raines cir­cu­lent qui ne sont pas for­cé­ment dites, tout ça me dirige tou­jours vers le théâtre.

Ces dernières années, je ne sais pas pourquoi, mon tra­vail s’est fixé autour du poli­tique, du dis­cours, de la manière dont le dis­cours est perçu, dont il manip­ule, de la manière dont la foule y répond, les dif­férences incroy­ables entre l’idéal­isme et la langue de bois. Je n’imag­ine presque pas un ciné­ma poli­tique, dans mon fan­tasme de créa­tiv­ité. Et un roman poli­tique, absol­u­ment jamais, pas du tout.

Quand je me suis intéressée à Patrice Lumum­ba, sur lequel je voudrais vrai­ment écrire une pièce, et que j’ai vu que c’é­tait un homme qu’on avait voulu faire taire, dont on avait vrai­ment voulu cass­er la parole (quand il était pris­on­nier, on lui bri­sait des dents avec le talon des bottes, vrai­ment pour qu’il se taise, il fal­lait qu’il se taise), eh bien, pour moi, cette vio­lence qu’on fait subir, ce mar­tyre de la parole, c’est du théâtre, ça a à voir avec le théâtre.

BELGICAE d'Anita Van Belle. Photo Marie-Françoise Plissart.
BELGICAE d’Ani­ta Van Belle. Pho­to Marie-Françoise Plis­sart.

Pietro Piz­zu­ti : Comme si c’é­tait un des derniers lieux où l’on peut don­ner la parole à ceux qui ne l’ont pas, ou bien dénon­cer que ceux qui pren­nent la parole pensent autre chose que ce qu’ils dis­ent ?

A. V. B.: Pour moi, le but ultime du théâtre serait lié au corps, c’est tou­jours comme cela que je l’imag­ine : met­tre debout des gens qui sont à genoux. C’est pour cela que finale­ment, sim­ple­ment voir des comé­di­ens, voir des corps en mou­ve­ment qui font don d’une cer­taine énergie à la salle, je trou­ve ça indis­pens­able.

Alors que le roman peut met­tre en mou­ve­ment l’in­tel­li­gence, le théâtre met en mou­ve­ment, chez moi, le rap­port à la dig­nité. Celle de gens qui sont comme ça, comme Lumum­ba l’Africain, leur prise d’indépen­dance, les voir se met­tre debout. Dire : main­tenant non, je « prends » ma dig­nité, je me mets debout, et que ça donne aux spec­ta­teurs une espèce de réso­nance, bien que évidem­ment, ce qu’ils voient n’a pas for­cé­ment à voir avec eux, mais que ça leur con­fère ce mou­ve­ment-là vers la dig­nité, même un tout petit peu, sur de toutes petites choses.

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Anita Van Belle
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