Tout nous ramène à l’écologie
Le café colombien que l’on prend le matin en songeant aux petits exploitants d’un pays d’Amérique latine ; la chemise en coton qui nous fait penser à des petites mains abîmées dans les usines obscures d’un pays du Sud ; la voiture et ses embouteillages sur le périphérique et notre incompréhension face au sens des choses, demain j’arrête tout, je plaque tout, je change de vie ; la messagerie débordante de mails, trop c’est trop ; la pluie incessante qui, un bref instant, nous rassure face à un réchauffement planétaire trop effrayant ; la vue agréable des arbres à travers la fenêtre et l’angoisse, juste après cette courte trêve, de leur disparition prochaine, comme celle de toutes les forêts du monde ; ces emballages en plastique qui nous exaspèrent ; ces vacances à organiser – mais que faire, partir loin, en avion, ce n’est peut-être pas une si bonne idée, tandis que le train, c’est mieux et puis la SNCF nous indique notre empreinte carbone, alors d’accord, on ne sait pas exactement comment c’est calculé, mais bon, ça a l’air plutôt léger tout compte fait. La liste est longue de ces instants où chaque geste, même le plus anodin, renvoie à des enjeux écologiques à la fois réels et fantasmés.
De la nécessité de changer, donc.
Nous avons conscience de vivre une ère où nos actions détermineront la possibilité d’une vie sur terre pour de nombreuses espèces, dont la nôtre. Et pourtant, le changement tarde à venir. La culpabilité qui en émane, inégalement partagée entre les pays, les cultures, les générations, est un facteur supplémentaire d’inquiétude. C’est dans ce paysage troublé que la pandémie s’est abattue sur notre planète.
Qu’est-ce qui nous fige tandis que le temps nous est compté ?
Le théâtre accompagne son époque, participant à ses troubles, ses révoltes, ses mutations. Mais que peut-il pour arrêter la marche des choses ? Plus personne ne croit encore qu’un « art engagé », lancé dans le tumulte du temps présent pour réveiller les consciences, soit ce dont nous avons besoin. L’engagement procède aujourd’hui selon d’autres principes, agit sur d’autres périmètres, rebattant toutes les cartes de l’art et de la vie sociale. Quant à l’opéra, cet art si spectaculaire, où le théâtre naît de la musique elle-même, ne sera-t-il pas justiciable bientôt pour son faste et sa prodigalité ? Ne lui reprochera-t-on pas son usage insouciant des ressources et sa propension à se nourrir de fables construites par d’autres ? Et que pensera-t-on demain de ces images de la nature qu’il a construites et répandues, et dont on sait, aujourd’hui, tout ce qu’elles avaient d’illusoire et de destructeur pour les équilibres du vivant ?