Les mises en scène de Frank Castorf

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Les mises en scène de Frank Castorf

Le 14 Avr 2004
Article publié pour le numéro
Théâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives ThéâtralesThéâtre à Berlin-Couverture du Numéro 82 d'Alternatives Théâtrales
82
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COMME BEAUCOUP de grands artistes à suc­cès (tel un Ten­nessee Williams), Frank Cas­torf était très con­testé au début de sa car­rière qui débu­ta en RDA, prob­a­ble­ment parce qu’il s’opposa aux visions habituelles et offi­cielle­ment imposées et dévelop­pa ses pro­pres critères. Déjà au temps de la RDA, il fai­sait du théâtre poli­tique sans com­pro­mis, sans se souci­er de la ligne offi­cielle dévelop­pée par la bureau­cratie au pou­voir, même si cela lui val­ut d’être expul­sé de Berlin et de devoir tra­vailler – tou­jours men­acé par la cen­sure – dans de petits théâtres de province. C’est là que Frank Cas­torf dévelop­pa de façon sys­té­ma­tique sa per­cep­tion de l’interprétation des textes qui, aujourd’hui, lui vaut sa recon­nais­sance artis­tique et son suc­cès dans toute l’Europe. Cas­torf ne fait que du théâtre d’actualité, même s’il met en scène des pièces d’autres épo­ques. Sa façon d’aborder avec sérieux les grands clas­siques du passé n’est pas nos­tal­gique et his­torisante, mais implique une con­fronta­tion de ces pièces avec le temps présent qui est le sien et celui du pub­lic – les textes doivent tenir face aux réal­ités envi­ron­nantes. Frank Cas­torf est un élève de Brecht, tout au moins en ce qui con­cerne ses visions du réal­isme et sa con­stata­tion que nous sommes assis dans le théâtre ici et main­tenant, et pas dans celui d’HAMLET au Dane­mark ou du NEW ORLEANS de Kowal­s­ki.

Cas­torf traite ses textes avec un sérieux exis­ten­tiel et sait que cela ne fonc­tionne qu’avec de vrais bons textes qui irri­tent et impres­sion­nent au-delà de leur époque et qu’on appelle bien pour cela des clas­siques. Cas­torf y range, à côté de Dos­toïevs­ki et de Boul­gakov, des auteurs clas­siques des temps mod­ernes tels que Sartre, Ibsen, et les auteurs améri­cains Eugène O’Neill et surtout Ten­nessee Williams, qui a écrit des textes pra­tique­ment par­faits dans leur forme et leur con­tenu – pièces qui n’ont pas seule­ment une impor­tance his­torique, mais qui restent d’une grande actu­al­ité encore aujourd’hui. C’est ce que Frank Cas­torf essaie de démon­tr­er lorsqu’il abor­de ces textes avec son scéno­graphe Bert Neu­mann. En trans­posant les his­toires dans l’actualité et en les rap­prochant de notre con­scient d’aujourd’hui, les pièces retrou­vent, en cas de réus­site, la même force explo­sive qu’elles avaient prob­a­ble­ment lors de leurs créa­tions. Ce procédé est une façon légitime, tout comme la recon­struc­tion his­torique scrupuleuse, de pren­dre les œuvres d’un auteur au sérieux – et c’est aus­si une sorte de fidél­ité à l’original que de vouloir recréer avec des moyens d’interprétation d’aujourd’hui l’effet que la pièce a sus­cité lors de sa créa­tion, une ten­ta­tive de grat­ter la patine et le déjà-vu que même les meilleures pièces pren­nent avec le temps et qui leur donne un goût daté, pour les ren­dre « frais ».

Frank Cas­torf étudie très atten­tive­ment les textes qu’il met en scène et il n’entreprend rien dans ses mis­es en scène qui ne leur cor­re­spon­dent pas d’une façon ou d’une autre, mais en tant qu’artiste il ne lui est pas pos­si­ble de pren­dre moins au sérieux les struc­tures pro­fondes de l’œuvre comme il les inter­prète que les mots qui com­posent le texte que les per­son­nages dis­ent. C’est ain­si qu’il abor­de les clas­siques de l’Antiquité, ou Shake­speare et aus­si Ten­nessee Williams. La vital­ité et l’efficacité de son tra­vail sont l’effet d’une pré­pa­ra­tion minu­tieuse et de temps de répéti­tions rel­a­tive­ment courts et à peine pro­gram­més, où la per­son­nal­ité des acteurs est aus­si impor­tante que les per­son­nages qu’ils inter­prè­tent. Cas­torf utilise les dif­férents élé­ments qui font une mise en scène : les per­son­nages, le texte, les acteurs, l’espace, les cos­tumes, la musique, les éclairages et l’environnement, peut-être à la façon d’un pein­tre chi­nois qui pense pen­dant des années son image et la pro­duit en un temps record, et apparem­ment sans aucune dif­fi­culté.

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Carl Hegemann
Carl Hegemann est philosophe et dramaturge à la Volksbühne am Rosa Luxemburg Platz, Berlin. Il...Plus d'info
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