Cimetière marin, fantômes de l’Occident. Le Vaisseau du bout du monde d’Àlex Ollé

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Cimetière marin, fantômes de l’Occident. Le Vaisseau du bout du monde d’Àlex Ollé

Le 29 Sep 2021
Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Photo Jean-Louis Fernandez.
Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Photo Jean-Louis Fernandez.
Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Photo Jean-Louis Fernandez.
Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Photo Jean-Louis Fernandez.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 144-145 - Opéra et écologie(s)
144 – 145

Créée à l’Opéra de Lyon en octo­bre 2014, la mise en scène du Vais­seau fan­tôme par Àlex Ollé1, cofon­da­teur de la com­pag­nie cata­lane La Fura dels Baus, est portée par une cri­tique poli­tique et sociale trou­vant sa syn­thèse dans une per­spec­tive écologique. Le met­teur en scène trace avec ce spec­ta­cle une voie orig­i­nale dans l’écocritique du cap­i­tal­isme mon­di­al­isé – champ encore nou­veau alors sur les scènes lyriques inter­na­tionales – con­tribuant au renou­velle­ment de l’approche de la nature dans le réper­toire wag­nérien.

Tan­dis que l’orchestre de l’Opéra de Lyon entonne sous la baguette de Kazushi Ono « le motif représen­tant, musi­cale­ment, la malé­dic­tion qui pèse sur le Cap­i­taine hol­landais […] ce motif de quelques mesures, plus ryth­mique que mélodique […], qui pro­duit l’effet d’une sil­hou­ette vive­ment accen­tuée, d’une ombre aperçue à la lueur de la foudre, et dont l’attitude suf­fit pour l’imprimer dans notre sou­venir2 », le rideau se lève et décou­vre, sur toute la hau­teur du cadre de scène, l’immense proue d’un navire marc­hand prise dans la tem­pête, se dres­sant sur les vagues pour se fra­cass­er dans l’onde, pro­jetée sur sa coque grâce aux vidéos conçues par Franc Aleu.

Cette instal­la­tion gigan­tesque imag­inée par le scéno­graphe Alfons Flo­res fig­ure tour à tour, sur mer et sur terre, le navire marc­hand de Daland, le vais­seau fan­tôme du Hol­landais et la car­casse d’un paque­bot échouée sur une plage de l’hémisphère sud. Là se trou­ve le par­ti pris d’Ollé : situer l’action du Vais­seau dans les pays les plus pau­vres du monde con­tem­po­rain, pour en actu­alis­er la sym­bol­ique et retendre les dynamiques inter­per­son­nelles. Le Hol­landais (Simon Neal) reste la fig­ure mythique dont Sen­ta (Mag­dale­na Anna Hoff­mann) con­naît la malé­dic­tion depuis sa plus ten­dre enfance : errant sur les mers jusqu’au juge­ment dernier, il attend la mort que seule la fidél­ité d’une femme pour­ra lui pro­cur­er. Chez Ollé, telle une appari­tion des pro­fondeurs de son incon­scient, le Hol­landais sur­git de la cale du navire de Daland (Falk Struk­mann) pour lui acheter la main de sa fille Sen­ta.

Le Vaisseau fantôme de Richard Wagner, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Crédits Jean-Louis Fernandez.
Le Vais­seau fan­tôme de Richard Wag­n­er, mise en scène Àlex Ollé, Opéra de Lyon, 2014. Pho­to Jean-Louis Fer­nan­dez.

Les vol­umes du décor qui, grâce au jeu des pro­jec­tions, se trans­for­maient d’abord en onde déchaînée, fig­urent au sec­ond acte les dunes de la plage ben­galaise de Chit­tagong, jonchée de détri­tus et de fer­raille, que les fileuses de Sand­wicke récupèrent et tri­ent un à un en chan­tant l’attente des matelots par­tis en mer – pen­dant que des ouvri­ers déman­tè­lent der­rière elles le corps d’un car­go aban­don­né. C’est dans ce cimetière marin que Daland réap­pa­raît et présente le Hol­landais à Sen­ta, lais­sant les futurs époux s’échanger aus­sitôt des ser­ments d’amour éter­nel. Sur­prenant sur cette même plage le chas­seur Erik (Tomis­lav Muzek) venu rap­pel­er à Sen­ta leurs promess­es d’amour passées, le Hol­landais se croit trahi et, après avoir renié sa fiancée, embar­que avec son équipage d’ombres. L’énorme étrave est évac­uée, les dunes rede­vi­en­nent tem­pête et l’héroïne plonge dans les images des flots pour sauver l’être auquel elle a juré fidél­ité.

L’écocritique au croise­ment de l’imaginaire et de la réal­ité

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Alex Ollé
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Marius Muller
Marius Muller prépare un doctorat sur les déconstructions et réinventions de l’opéra sur les scènes...Plus d'info
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