Le texte hier et aujourd’hui
LA DOULEUR est un texte autobiographique de la romancière, auteur dramatique et scénariste Marguerite Duras (1914 – 1996). Il se compose d’extraits de son Journal et de récits. L’écrivain
y raconte l’attente, et donc la douleur de l’attente, de son mari, Robert L., déporté dans un camp allemand. À la Libération, elle attend encore. Et le miracle opère. Visiblement un autre tant le corps est décharné, mais il revient à la maison. Les préoccupations ne sont alors que vitales : manger, pouvoir digérer ce qui a été mangé, l’évacuer, et réussir au sens premier du terme à redevenir un être incarné, c’est-à-dire fait de chair. D’où provient cette douleur ? On l’aura compris : elle est le fruit âcre du nazisme et de la déportation des juifs dans les camps de concentration pendant la Seconde Guerre Mondiale. En filigrane du destin personnel de cette femme qui raconte, c’est l’Histoire avec un grand H, chère à Chéreau, qui est présente ici. 1945 : Marguerite Duras attend son mari Robert Antelme qui sera délivré le 1er mai du camp de Buchenwald par les Américains. Patrice Chéreau naît un an avant.
Si le sujet expose une tension dramatique, un drame quotidien dans la vie de Duras, il ne s’agit pas pour autant d’un texte de théâtre. LA DOULEUR est publié chez P.O.L en 1985 puis en Folio chez Gallimard en 1993 ; les manuscrits sont conservés. Il est émouvant de penser que la cinquième représentation de ( cette ) DOULEUR, mise en scène par Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang, a eu lieu le 29 novembre 2008 à Caen, au Pressoir, dans une des salles de l’Abbaye d’Ardenne, c’est-à-dire sur le site de l’Imec où le fonds Marguerite Duras a été déposé en 1995 : une soixantaine de boîtes qui comprennent donc, notamment aux côtes DR14 et DR15, les manuscrits de LA DOULEUR·. Chéreau a d’ailleurs déposé la majorité de ses archives de théâtre dans le même lieu.