NANCY DELHALLE : Tes spectacles, et plus précisément, les deux derniers, L’AXE DU MAL et GAME OVER, interrogent le monde contemporain. On y trouve une dénonciation portée, dans l’AXE DU MAL, contre la politique étrangère des États-Unis à travers le parcours initiatique d’une jeune fille, forme qui rappelait SAINTE- JEANNE DES ABATTOIRS de Brecht. Quelles filiations retiendrais-tu pour ta démarche et cette préoccupation politique et sociale ?
Jeanne Dandoy : Tout commence par une rencontre au Conservatoire de Liège. Au départ, je ne savais trop pourquoi je voulais faire du théâtre, je voulais être artiste… Mais, comme beaucoup d’adolescents, j’étais insatisfaite du monde qui m’entourait. Très vite, je me suis épanouie dans le théâtre. Depuis un petit temps, j’écrivais, mais pour le théâtre, car j’avais envie d’avoir une prise directe sur la réalité, sur le monde, sur les gens, sans encore cette préoccupation politique et sociale. Le théâtre m’a donné une raison de canaliser l’énergie négative et de la transformer en quelque chose de positif : parler de la réalité avec poésie, mêlant rêves et cauchemars. Lorsque je me suis présentée dans une école, à la question « pourquoi voulez-vous faire du théâtre ? », j’ai répondu que je ne savais pas et aussi : « parce
que je veux changer le monde ». Ça a fait rigoler ! Au Conservatoire de Liège, où je suis arrivée par hasard, on parlait énormément du monde. C’est par un travail sur le jeu épique, au cours d’un projet Brecht, que j’ai découvert cet auteur qui a changé ma vie. Il m’a donné des outils d’analyse et de réflexion pour parler du monde. C’est une rencontre qui s’est faite à travers le Groupov, à travers Jacques Delcuvellerie qui dirigeait ce projet au studio avec Pietro Varasso. Jacques Delcuvellerie venait de réaliser la mise en scène de LA MÈRE.
Mais à cause de cette insatisfaction du monde très forte dans mon adolescence, dès mes premiers écrits, la poétique et le politique étaient très fortement liés. Il s’agissait de cauchemars ou d’univers très oniriques. La colère et la poésie, le merveilleux ont fusionné.