Dos tourné. L’at­ti­tude n’est pas tou­jours celle du refus. Elle peut sig­ni­fi­er par­fois, pour qui sait l’en­ten­dre, une manière d’in­vi­ta­tion. Dos silen­cieux, réponse sans parole que le maître adresse à son dis­ci­ple (sou­venir d’Atahual­pa del Ciop­po, de mes ren­con­tres d’Amérique latine), invi­ta­tion à quit­ter l’im­mo­bil­ité intem­pes­tive, réponse en marche, suis-moi sur cet autre chemin. Ain­si de l’im­age choisie pour la cou­ver­ture de ce cahi­er. Si la danseuse de fla­men­co présente son dos, moire et den­telles, au lecteur, ce n’est pas tant qu’elle repousse ce que ce dernier, l’ayant recon­nue, sait déjà d’elle. Elle l’in­vit­erait plutôt à la suiv­re par-delà le mur aveu­gle et blanc des idées reçues, à franchir la lim­ite où le plaisir de la recon­nais­sance s’ad­joint celui de la décou­verte. Dos tourné. Danseuse et passe-muraille. Invi­ta­tion à par­courir ces pages, au plaisir dou­ble de l’é­ton­nant et du fam­i­li­er. A la fin, bien sûr, toute l’é­trangeté n’au­ra pas été évac­uée, mais peut-être notre rela­tion s’en trou­vera-t-elle un peu enrichie. Tel est, du moins, mon voeu.
Lluis Pasqual, directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Eu­rope.