COMME TOUT CRÉATEUR dans son art, Romeo Castellucci interroge les codes au cœur de l’histoire des formes. Mais l’une des singularités de sa posture, c’est qu’il questionne tout langage dès son origine. Les langages (scénique bien sûr mais aussi musical, littéraire, pictural, cinématographique, de même que la religion, la philosophie…) sont pris à leur origine et dans leur genèse même. L’origine 1 n’est pas entendue sur le plan historique et temporel, elle n’est pas le point de départ d’un mouvement allant vers son achèvement. L’origine est plutôt un état qu’il nous faut rechercher, auquel revenir, dans un mouvement circulaire de retour – un mouvement révolutionnaire comme la révolution des astres. Louis-Ferdinand Céline, dont la Socíetas Raffaello Sanzio a mis en scène le voyage dans la nuit de la langue, clame sa nécessité de « Retourner dans la nuit, c’était ma grande préférence, même suant et geignant, et puis d’ailleurs dans n’importe quel état. » 2
Ainsi que nous le suggère le titre de son essai LES PÈLERINS DE LA MATIÈRE, écrit à quatre mains avec Claudia Castellucci, Romeo Castellucci chemine en « pèlerin » à la recherche de ce qui serait l’origine du théâtre. Et ses mises en scène portent les traces, en feuilletage, de ce questionnement. Son théâtre n’est pas l’exposition d’un monde qui serait créé en amont, il est bien plutôt comme la transformation à vue d’un chaos. Toute mise en scène devient alors la mise en scène d’une genèse. Dans ce retour aux sources, la démarche de Castellucci fait écho à celle que recherchait Antonin Artaud : « Le théâtre, c’est en réalité la genèse de la création », écrit l’auteur du THÉÂTRE ET SON DOUBLE 3. Et le cri de Castellucci trouve ses harmoniques dans celui d’Artaud : « Tous les jours Artaud, mon Artaud (non pas mon Artaud parce qu’il m’appartient mais mon Artaud parce que je ne puis écrire autrement), arrache de sa peau cette phrase : le théâtre est la Genèse de l’acte créatif. » 4