MARINA ABRAMOVIC commence les Solo Performances de 1969 à 1976, date de sa rencontre avec l’Allemand Ulay avec lequel elle fait œuvre commune jusqu’en 1988. Ils réaliseront ensemble 37 performances. Ils fouillent dans leurs corps jusqu’à l’épuisement, pour toujours en dépasser les limites, pour mieux regarder derrière le miroir, vivre une initiation comme un apprentissage dans la dualité. Ils partent à la recherche de la pensée orientale, de la philosophie indienne, la religion sumérienne et la tradition occulte. Selon la pensée orientale, le détachement est essentiel afin d’atteindre un stade plus élevé. Leur démarche s’inscrit dans un mouvement permanent, une énergie mobile. La rencontre avec le Dalaï Lama influence NIGHTSEA CROSSING (1981 – 1986), méditation immobile de plusieurs heures qui se déroule dans diverses parties du monde. Ils parcourent la Grande Muraille de Chine à pied, chacun partant d’une extrémité différente, pour décider de se séparer lorsqu’ils se rencontrent enfin, en 1988. Une dernière confrontation avec leur double avant de se retourner et de le chercher en eux, transcendant les limites mêmes du dualisme.
Marina reprend les Solo Performances de 1989 à 1998. Son expérience au Tibet, parmi les Aborigènes australiens et ses études des divers rituels lui permettent d’amener son corps proche d’un état limite. En 1997, dans le Pavillon Italien, lors de la 47e Biennale de Venise, Marina retient les spectateurs dans le sous-sol du bâtiment pendant sa bouleversante performance, malgré l’odeur écœurante des os énormes qu’elle frotte avec une brosse jusqu’à les blanchir de tout morceau de chair, tout en psalmodiant une litanie quasi incantatoire. Une vidéo complète son action qui s’intitule BALKAN BAROQUE où, habillée en infirmière, elle raconte une étrange histoire : comment les Balkans tuent les rats pour les transformer en Rat Loup. La performance a lieu toutes les après-midi pendant trois jours. Marina Abramovic sera récompensée pour cette intervention par le Prix International de la Biennale.
En novembre 2002, Marina Abramovic réalise THE HOUSE WITH THE OCEAN VIEW à la Sean Kelly galerie à New York. Douze jours durant, dans un rituel de purification, elle va pouvoir jauger son champ d’énergie, le confronter à celui de l’audience, dans trois pièces ouvertes face au public (salle de bain, salon, chambre), sans manger, parler, ni lire ou écrire. Elle est habillée de vêtements inspirés par le constructiviste Alexander Rodchenko dont les couleurs sont en harmonie avec les principes de la Védique Indou. Elle transforme des gestes simples en une cérémonie : se laver trois fois par jour, boire de l’eau minérale, s’asseoir, dormir sept heures par jour, s’habiller, regarder les gens silencieux, contrôler sa respiration grâce à un métronome… Tableau vivant, Marina passant d’une pièce à l’autre s’expose dans ses moments les plus intimes. Un télescope est même mis à disposition du public dans la galerie. Grâce à ce jeûne consenti, elle reste émotionnellement éveillée, dans une transe méditative. Son acuité s’aiguise, dans un échange d’énergie avec le public ; elle sent les pensées des gens et leur aura, du moins le dira-t-elle plus tard. De toute évidence, elle maîtrise les techniques de méditation.