Depuis 2009, la Comédie de Reims propose, dix jours durant, dans le cadre de « Reims scènes d’Europe », une programmation internationale croisant les arts – théâtre, danse, performances, concerts, mais aussi, cirque, opéra et photographie. L’édition de 2017 a été conçue dans l’esprit du Théâtre Gorki, dirigé depuis 2013 par la metteuse en scène Shermin Langhoff – première femme issue de l’immigration à occuper un tel poste en Allemagne. Le projet du Gorki est de « penser la ville dans son ensemble avec tous ceux qui y sont arrivés ces dernières décennies, qu’ils soient réfugiés, exilés, immigrés, ou tout simplement qu’ils aient grandi à Berlin ». Reims scènes d’Europe avait pour ambition de montrer des créations qui interrogent le caractère mouvant de « notre identité européenne, tout en prêtant attention à sa diversité1 », en invitant des figures comme Peter Brook ou Falk Richter et des créations inédites.
Croisement du metteur en scène et auteur syrien Yamen Mohamad, exilé à Reims, et Hospitalités du performer Massimo Furlan, furent crées pendant le festival. La diversité indique une pluralité, une rencontre, parfois une opposition, entre « nous » (mon groupe culturel et social) et les « autres » (ceux qui n’en font pas partie), la reconnaissance mutuelle des « valeurs » et des « cultures » de l’autre, comme l’a théorisée Todorov2. Qu’en est-il au sein de ce festival ? Qui écrit et qu’est-ce qui est écrit dans ces spectacles abordant la question de la « diversité » ?
Reims-Scènes d’Europe accueillait vingt-six spectacles et quatre lectures. Une tour de Babel dont peut-être seules l’Asie et l’Inde étaient absentes. Une programmation éclectique avec des spectacles européens bien sûr, mais également d’inspiration américaine (l’ouverture New-York Paris Odessa est la rencontre de la musique yiddish avec de l’électro, des standards du jazz et de Broadway), congolaise avec Faustin Linyekula, ou encore camerounaise avec le concert Errances et Résonances d’Hélène Breschand et Ze Jam Afane, mêlant harpe et voix autour d’une expérimentation contemporaine.
Pour ce qui est du théâtre, les spectacles évoquant directement la diversité touchaient à des questions politiques. We call it Love de Carole Karemera et Denis Mpunga revenait sur le génocide du Rwanda, tandis que Ce qui nous regarde de Myriam Marzouki, tentait d’interroger notre regard sur le voile. Quant au flamboyant Small Town Boy de Falk Richter, fruit d’une commande du Gorki écrite à partir de l’histoire de sa troupe actuelle, elle questionne l’identité allemande, en soulevant, non sans avoir recours au second degré, des questions relevant de l’identité sexuelle et de ses représentations.
Même si l’entreprise serait passionnante, il ne s’agira pas ici (car les signes sont comptés !) d’établir un inventaire recensant la manière dont l’identité et la diversité sont représentés au sein de cette édition. Soulignons simplement que, dans la quasi totalité des spectacles, qu’ils s’agisse de danse, de théâtre ou de musique, les thèmes étaient étroitement liés à l’histoire personnelle de ceux qui les ont écrits ou/et interprétés. Il s’agit plutôt de donner à voir comment ces identités apparaissent et ce qu’elles soulèvent comme problématiques, à la fois en tant qu’individualisation et identification à l’autre, à travers quelques temps forts. L’itinéraire choisi est donc subjectif. Un chemin possible parmi d’autres, ici encore.