GERMES DE FOLIE de Dioari Abidine Coulidiaty

Théâtre
Critique

GERMES DE FOLIE de Dioari Abidine Coulidiaty

Compagnie Les Empreintes, Burkina-Faso

Le 30 Jan 2009
GERMES DE FOLIE, un spectacle de la compagnie des empreintes. Mise en scène : Dioari Abidine Coulidiaty. Interprétation : Edoxi Lionelle Gnoula et Hyppolite Kanga. Musiciens: Dioari Abidine Coulidiaty et Salif Daboné. Photo Compagnie des empreintes.
GERMES DE FOLIE, un spectacle de la compagnie des empreintes. Mise en scène : Dioari Abidine Coulidiaty. Interprétation : Edoxi Lionelle Gnoula et Hyppolite Kanga. Musiciens: Dioari Abidine Coulidiaty et Salif Daboné. Photo Compagnie des empreintes.
GERMES DE FOLIE, un spectacle de la compagnie des empreintes. Mise en scène : Dioari Abidine Coulidiaty. Interprétation : Edoxi Lionelle Gnoula et Hyppolite Kanga. Musiciens: Dioari Abidine Coulidiaty et Salif Daboné. Photo Compagnie des empreintes.
GERMES DE FOLIE, un spectacle de la compagnie des empreintes. Mise en scène : Dioari Abidine Coulidiaty. Interprétation : Edoxi Lionelle Gnoula et Hyppolite Kanga. Musiciens: Dioari Abidine Coulidiaty et Salif Daboné. Photo Compagnie des empreintes.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 100 - Poétique et politiqueCouverture du numéro 100 - Poétique et politique - Festival de Liège
100

Cris rafales de mitrail­lettes explo­sions
deux acteurs déboulent dans la salle se cachent entrent en scène
les per­son­nages sont deux enfants
Janette et James
Edoxi Lionelle Gnoula est la grande soeur
Hyp­po­lite Kan­ga le petit frère un peu fou
la scène
un encadrement de porte quelques pier­res posées au sol
une baraque leur refuge
sim­plic­ité du décor évo­ca­tion de maisons à moitié
démolies par les explo­sions
deux musi­ciens sur le plateau silen­cieux deux ombres qui
atten­dent et regar­dent
David Zoun­grana à la gui­tare Dioari Abidine Coulidi­aty
( l’auteur ) aux per­cus­sions

guerre frat­ri­cide géno­cide
une sit­u­a­tion insouten­able
deux enfants se sont enfuis de chez eux pour se réfugi­er
entre ces qua­tre murs
ils blo­quent l’entrée comme ils peu­vent et atten­dent
à l’extérieur par inter­valles on entend
cris
rafales de mitrail­lettes
explo­sions
Janette par­le de ces hommes hor­ri­bles et grands avec
leurs armes à feu
ces ogres de con­tes de fées qu’on ne ver­ra pas
pour­tant ils sont bien là
on les entend semer la panique à coups de fusils
grande soeur et petit frère sont de petits ani­maux dans
cette mai­son comme Hansel et Gre­tel per­dus dans la forêt
les grands yeux écar­quil­lés d’effroi
Janette est blessée au bras
ils ont fui sans se retourn­er et ne savent pas ce qu’il est
advenu de leur mère père frères et soeurs
en vain ils essaient de leur télé­phon­er papa ne décroche
pas

nous sommes à Kata­lan­ga
ville imag­i­naire
la sonorité ren­voie à cette région du Con­go voi­sine du
Rwan­da le Katan­ga
notre imag­i­na­tion se cogne à ces tueries entre eth­nies qui
n’épargnent per­son­ne
mais Kata­lan­ga c’est aus­si
Sabra et Chati­la
Irak
Bosnie
Haïti
et tant d’autres régions dans le monde où la soif de sang
est la seule loi qui règne
GERMES DE FOLIE nous par­le du mas­sacre des inno­cents en
temps de guerre

la pièce s’indigne devant tant d’injustice
qu’est-ce qui pousse des hommes à tuer
les ger­mes du mal sont-ils en cha­cun de nous

l’action se déroule en une soirée
peut-être même une heure
le temps du spec­ta­cle
un moment de crise extrait de la vie
épinglé devant nos yeux
étiré comme une peau de bête
une crise main­tenue en sus­pens
en sus­pens entre la vie et la mort
ponc­tuée par des rafales de mitrail­lettes
l’imminence du dan­ger

soudain
Janette aperçoit
dans un coin là-haut
Jésus accroché à sa croix
un peu loin­tain un peu
comme un aigle blanc et ray­on­nant
les bras écartés dans un appel à la foi
que fais tu là
elle l’attrape le retire de son socle
un ange tombé du haut de son per­choir de sa sphère
mys­tique
pour se cogn­er à la dure réal­ité des hommes
Janette la soeur
le prend entre qua­tre yeux
à quoi tu sers
vas-tu nous aider oh Jésus réponds quand je te par­le
silence
tu entends
dehors les sol­dats tu entends la mort qui guette
nous t’avons assez prié main­tenant tu vas nous aider
ces hommes sont comme tes bour­reaux
qui t’ont accroché là-haut
de gros salops
silence
mitrail­lettes
Janette et James se cachent
James pleure attrape Jésus le jette et lui décoche une
droite
traître
à quoi tu sers Dieu si tu n’aides pas les inno­cents
dans un cri de révolte presque naïf deux enfants pleurent
devant la face impas­si­ble de Dieu
les mitrail­lettes crachent leur venin

une autre ques­tion se fraie un chemin
brûlante
et l’Église dans tout ça
le rôle con­tro­ver­sé des catholiques au Rwan­da
et toutes ces atroc­ités de par le monde où la foi la sain­teté
et Dieu se trou­vent mêlés aux actes bar­bares des hommes
où la reli­gion se déploie comme une ban­nière au vent
un souf­fle de mépris con­tre cet autre qui n’est pas comme
moi qui ne croit pas comme moi
qui est autre résol­u­ment et donc n’est rien
au nom de Dieu je l’annule
j’en ai le droit

Janet James et Jésus
trois per­son­nages
pris au piège dans cet espace clos
un tri­an­gle de Bermudes une plaine de Je
le Jeu du chat et de la souris
un huis clos entre trois réfugiés
un lieu de Jonc­tion
où les per­son­nages Jon­g­lent entre espoir et dés­espoir
3 Je comme une trinité de Jou­ets du des­tin Jou­ets
des Hommes
de leur soif de pou­voir

les deux enfants se pren­nent dans les bras
et comme une revanche sur le sort
se racon­tent des his­toires chantent dansent
Jésus devient avion à réac­tion
poupée récon­for­t­ante petit enfant
con­nais-tu l’histoire des deux canards
on se la racon­te pour lui pour nous
pour tenir le coup
deux canards coincés dans une mare ne peu­vent pas
s’envoler au risque de se faire tuer
le petit frère canard prend son envol
la sœur crie
les canards c’est nous
on passe du rire aux larmes
James pour con­sol­er sa grande sœur danse et chante
les musi­ciens sont là gui­tare et per­cu
ils accom­pa­g­nent le corps de ce petit frère qui prend
son envol
Janette chante
les mots sor­tent en sac­cades
ryth­més et cor­rosifs
vous n’avez pas le droit
GERMES DE FOLIE une tragédie
con­stel­lée de ces bijoux de rire

qui bril­lent et illu­mi­nent le noir implaca­ble
de cette nuit sans espoir
comme une res­pi­ra­tion avant de som­br­er dans le gouf­fre
de petits sas de décom­pres­sion
où la vie règne sur toutes les folies
où le rire ressort tri­om­phant
on garde ces moments en échos longtemps
au chaud
au cœur
comme des bijoux pré­cieux
dont la lumière pro­tège du noir

Edoxi Lionelle Gnoula
et Hyppolite Kanga
dans GERMES DE FOLIE,
mise en scène Dioari
Abidine Coulidiaty.
Photo Compagnie
des empreintes.
Edoxi Lionelle Gnoula et Hyp­po­lite Kan­ga dans GERMES DE FOLIE, mise en scène Dioari Abidine Coulidi­aty. Pho­to Com­pag­nie des empreintes.

la fin comme un couperet tombe
Janette et James au son des mitrail­lettes se plan­quent
dans un grand car­ton
mais la stat­ue de Jésus est restée allongée au sol
comme une épave
impos­si­ble de l’abandonner celui-là
Jésus comme un ange déchu
est devenu
une poupée aimée choyée
un sem­blable
un ami
un frère
Janette ne peut l’abandonner
d’un bond elle sort du car­ton
l’attrape
James crie
laisse-le au sol
des sol­dats entrent et la fusil­lent
ironie du sort une jeune enfant sac­ri­fiée ses derniers mots
sont par­don par­don
elle tient entre ses mains ce sym­bole comme un boucli­er
inutile et tombe
absur­dité de la guerre
absur­dité des sym­bol­es au nom desquels on tue
GERMES DE FOLIE pose ces ques­tions jusqu’à la dernière
minute
jusqu’au dernier souf­fle
jusqu’au dernier espoir
un coup de poing
on en sort la gorge ser­rée
révoltés
Janet et James devi­en­nent nos frères et sœurs

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Dioari Abidine Coulidiaty
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marie vaiana
Marie Vaiana travaille en Belgique (Talìa asbl) et en France (compagnie Les plaisirs chiffonnés) comme...Plus d'info
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