Tout art fonde sa relation au consommateur sur un présupposé favorable, celui de l’amour et de l’ouverture. Le théâtre aussi. Mais force est de constater qu’il existe un “mauvais spectateur”, spectateur qui se dérobe et résiste. Il ne sera jamais explicitement affirmé, mais, sur fond de rejet initial, de désir contrarié, d’attente insatisfaite il entretiendra, avec le théâtre, des rapports constamment polémiques ou critiques. L’ensemble de textes proposés ici essaie d’interroger le statut de ce spectateur réfractaire et, tout autant, de déceler l’impact productif de cette “négativité” que l’on identifie dans des contextes et des situations particuliers.
“Le mauvais spectateur” reste indissociable du théâtre avec lequel il noue la relation dialectique d’amour/désamour à même d’engendrer des passions opposées, des liens tendus et des relations irrésolues. “Le mauvais spectateur” — défi du théâtre placé au carrefour de la défaite et du rachat. Il est “le spectateur alternatif”.
Avec les contributions de
Samuel Beckett, Jon Fosse, Coco Fusco, Guillermo Gómez-Peña, Magazzini Criminali
Le mauvais spectateur, c’est toujours l’autre
JE NE SAIS PAS ce qu’est un « mauvais spectateur ». Peut-être que l’acception la plus évidente, à laquelle Stefana Pop-Curseu, qui avait lancé autrefois ce thème de réflexion, aura pensé, c’est celle du « névrotique », à savoir, comme le suggère d’ailleurs Octave Mannoni, quelqu’un d’aussi transfiguré par le spectacle de théâtre qu’il devient incapable de faire encore la distinction entre fiction et réalité. Quelqu’un qui oublie que l’art est une illusion consentie, ou bien, dans les termes de Coleridge, « une suspension voulue…
