« Sauvez-nous !» Pourquoi une certaine expérience du théâtre ne suffit pas à la compréhension du cinéma des attractions

Réflexion

« Sauvez-nous !» Pourquoi une certaine expérience du théâtre ne suffit pas à la compréhension du cinéma des attractions

Le 21 Avr 2013
Les frères Lumière, ARRIVÉE D’UN TRAIN EN GARE DE LA CIOTAT, 1895.

A

rticle réservé aux abonné.es
Les frères Lumière, ARRIVÉE D’UN TRAIN EN GARE DE LA CIOTAT, 1895.
Article publié pour le numéro
116

QUATRE ANS après que le ciné­ma fut entré dans l’âge du par­lant et plus de trois décen­nies après que les images aient été publique­ment mis­es en marche au Salon Indi­en du Grand Café, la pro­jec­tion d’une loco­mo­tive en pleine vitesse a déclenché la panique dans un vil­lage de l’autre côté de l’Europe. Aujourd’hui per­du dans les cartes de la Grande Roumanie, l’étrange nom de Georovesti a acquis du renom en ani­mant les sec­tions de diver­tisse­ment dans la presse autour du monde. Il est devenu syn­onyme de pub­lic qui n’avait jamais vu une représen­ta­tion de ciné­ma et il incar­nait la réponse néga­tive extrême du spec­ta­teur non-ini­tié aux lois du grand écran.

Du point de vue chronologique, la pro­jec­tion de Georovesti sem­ble être le dernier réc­it du mythe fon­da­teur du ciné­ma, qui a trait à l’angoisse dom­i­nant le pub­lic des pre­mières pro­jec­tions de films, analysée par Mar­tin Loiperdinger1, et par­ti­c­ulière­ment à « l’effet du train »2, syn­tagme par lequel Yuri Tsi­vian définit la panique con­stru­ite par le spec­ta­teur lui-même comme réac­tion aux véhicules pro­jetés vers le pre­mier plan. Le 23 jan­vi­er 1931, le New York Times rap­porte douze paysans griève­ment blessés et la dégra­da­tion des agence­ments de la salle, comme con­séquences de l’arrivée des images en mou­ve­ment dans un vil­lage de Roumanie. Le lende­main, le grand jour­nal de Cat­a­logne La Van­guardia ajoute des détails comme l’isolation com­plète de ce vil­lage quelque part dans le cen­tre du pays. Pen­dant toute l’année, l’événement ser­ra repro­duit dans des jour­naux comme Camper­down Chron­i­cle d’Australie, Brad­ford Coun­ty Tele­graph des États-Unis et, bien sûr, de ce côté-ci de l’Europe, comme Nová Doba en Slovénie. Les grands jour­naux Time, Life et Motion Pic­ture Her­ald s’étonnaient aus­si qu’en 1931 il y eût tou­jours des gens qui ne savaient pas ce qu’était le ciné­ma.

Lab­o­ra­toire de per­cep­tion du ciné­ma muet

L’intentionnalité expéri­men­tale cachée der­rière la pre­mière pro­jec­tion ciné­matographique dans le vil­lage de Georovesti mis­ait sur l’isolation totale de ses habi­tants, qui n’avaient rien à voir avec le développe­ment du sep­tième art mais aus­si, on a toutes les raisons de le croire, avec celui du trans­port fer­rovi­aire. Ce qui s’est passé à Georovesti – au cours d’un hiv­er dont la rigueur paraly­sait le pays – prou­ve la déter­mi­na­tion des organ­isa­teurs de créer les con­di­tions, d’observer et de pop­u­laris­er la con­fronta­tion unique des paysans avec la plus fasci­nante des inven­tions mod­ernes.

A

rticle réservé aux abonné.es
Envie de poursuivre la lecture?

Les articles d’Alternatives Théâtrales en intégralité à partir de 5 € par mois. Abonnez-vous pour soutenir notre exigence et notre engagement.

S'abonner
Déjà abonné.e ?
Identifiez-vous pour accéder aux articles en intégralité.
Se connecter
Accès découverte. Accès à tout le site pendant 24 heures
Essayez 24h
Réflexion
Cinéma
2
Partager
Delia Enyedi
Delia Enyedi est doctorante en arts performatifs à l’Université Babes-Bolyai de Cluj. Ses recherches portent...Plus d'info
Partagez vos réflexions...
La rédaction vous propose
Mon panier
0
Ajouter un code promo
Sous-total

 
Artistes
Institutions

Bonjour

Vous n'avez pas de compte?
Découvrez nos
formules d'abonnements