ALTERNATIVES THÉÂTRALES : Pourquoi avez-vous accepté la proposition d’être artiste associé du Festival d’Avignon ?
Wajdi Mouawad : La manière avec laquelle la conversation s’est engagée entre Hortense Archambault et Vincent Baudriller nous y a conduits naturellement. Refuser l’invitation aurait signifié un rejet de l’aventure, des défis extraordinaires, un rejet d’une possibilité unique de remettre en jeu ce qui, jusque-là, animait le désir du théâtre. Pour le dire encore plus simplement, je l’ai accepté parce que refuser aurait été une immense imbécillité.
A. T. : Qu’avez-vous retenu de cette expérience ?
W. M. : Je n’ai rien retenu parce que, pour ma part, cette aventure a été si intense, si puissante, que je n’éprouvais en rien l’envie ni de la raisonner ni de la penser. Je sais qu’elle m’a labouré. C’est suffisant. Elle m’a retourné et a permis, chez moi, l’éclosion d’une manière autre de voir et d’écrire.
A. T. : Quels bénéfices en avez-vous retirés et quelles difficultés avez-vous rencontrées ?
W. M. : Les difficultés principales, étrangement, ne sont pas venues de l’intérieur de la démarche artistique, malgré un spectacle à préparer d’une durée de douze heures dans la Cour et une nouvelle création dans une scénographie compliquée ; elles sont arrivées de la situation de sur-médiatisation dans laquelle le titre d’Artiste-Associé m’a placé. C’est quelque chose que je n’ai pas su apprivoiser, ni gérer, quelque chose que j’ai foncièrement détesté. C’est une réalité dont la monstruosité provient des décalages qu’elle engendre entre le public qui vous lit « médiatiquement » c’est-à-dire qui vous découvre à travers les journaux, et celui qui vous lit « théâtralement » c’est-à-dire qui vous découvre à travers votre théâtre. Cette expérience m’a permis de mesurer les effets que peut avoir sur l’écriture une reconnaissance publique soudaine qui passe non pas par l’entremise d’une rencontre artistique, mais celle de la communication médiatique. Le gouffre est d’autant plus grand que la première s’est auto-convaincue de son besoin de l’autre.