Aux confins du théâtre, de la performance et des arts plastiques, Exhibit B est une sorte d’installation choc qui témoigne de l’histoire coloniale et de ses accointances avec l’esclavage passé et contemporain. À la manière des expositions universelles où il était coutume de présenter des Africains comme des animaux en cage, Brett Bailey recourt au thème des « zoos humains » pour en démontrer la spectaculaire ignominie.
Tableaux vivants
Tels ces pathétiques spectacles ethnographiques en vogue au XIXe siècle, l’installation-performance de Bailey se déploie en une série de tableaux vivants. Exhibition malsaine d’hommes et de femmes de chair et d’os, exposition de corps noirs figée dans une situation douloureuse. Éprouvante expérience pour les interprètes hiératiques et les visiteurs saisis d’effroi.
Pour exemple, ici, l’on voit un panier rempli de mains coupées en latex, qu’une femme noire bien vivante porte dans ses bras, en nous regardant. La légende de cette séquence explique ainsi cette scène étrange : les individus qui ne rapportaient pas leur quota de caoutchouc étaient exécutés par balle, et chaque cartouche devait correspondre à un « reçu », en l’occurrence la main coupée de l’esclave… (Date : 1895 – 1908, Lieu : Congo belge). Plus loin, c’est une tête d’homme enserré dans un masque de fer qui vous observe, un exemple de « l’Age d’or néerlandais » en termes de torture… Ou encore, quatre visages juchés sur de hautes stèles : de belles têtes chantantes à vous fendre l’âme. Tandis que leurs chants de lamentation s’élèvent dans les hauteurs de l’Église des Célestins, l’on aperçoit derrière elles sur un mur des photographies en noir et blanc : en souvenir d’esclaves décapités…