Créé aux Subsistances, dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon, puis présenté au Kunstenfestivaldesarts 2013 à Bruxelles, Germinal d’Antoine Defoort et Halory Goerger aurait pu être sous-titré Ceci n’est pas un spectacle. Non pas qu’il ait pour but de nous démontrer la trahison des images chère à notre Magritte, mais parce qu’en faisant table rase de nos présupposés en matière de perception du monde, de la société et du théâtre, il vient bouleverser tout notre rapport à l’identification du réel et à sa représentation.
GERMINAL constitue un vrai choc. Pendant la représentation, on a la sensation d’être invité tout à la fois à une fable hautement ludique et à un processus de recherche intense, dont la portée dépasse de loin les frontières d’une salle de spectacle : on nous convie à une réelle expérience de plateau qui, partant d’une théâtralité ultra-concrète, emmène vers le poétique et le métaphysique.
Le point de départ du spectacle est un questionnement : « Si on avait la possibilité de repartir de zéro, à l’intérieur de huit mètres par dix, on ferait comment ? ». Question littéralement transposée dans le spectacle : la scène est traitée comme un espace vierge habité par quatre personnes qui, le temps d’une représentation, inventent un système leur permettant de déployer un univers de plus en plus riche et structuré. Ainsi, de ces êtres silencieux naissent progressivement des mots, puis l’articulation du langage, la communication, l’interaction et enfin, la fable. On assiste donc à l’évolution de quatre individus qui s’approprient avec une obstination candide tous les moyens premiers dont ils disposent (un corps, une voix, une pensée) pour faire émerger quelque chose du rien. C’est alors que derrière l’apparente simplicité de cette démarche, jaillit toute une histoire : celle d’acteurs qui bâtissent petit à petit, avec nous, un spectacle ; celle d’êtres qui tentent avec cœur et ingéniosité de créer une œuvre ; celle d’une humanité en train de se construire et de conquérir le monde qui l’entoure. Le geste est naïf, au sens de pur, essentiel, condensé – et radical.