Alcina et le pouvoir des femmes

Opéra
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Portrait

Alcina et le pouvoir des femmes

L’opéra de händel mis en scène par Katie Mitchell

Le 28 Sep 2015
ALCINA, musique Georg Friedrich händel, mise en scène Katie Mitchell, scénographie Chloé Lamford, Festival d’Aix-en-Provence, 2015. Photo Patrick Berger/ artcomart.
ALCINA, musique Georg Friedrich händel, mise en scène Katie Mitchell, scénographie Chloé Lamford, Festival d’Aix-en-Provence, 2015. Photo Patrick Berger/ artcomart.

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ALCINA, musique Georg Friedrich händel, mise en scène Katie Mitchell, scénographie Chloé Lamford, Festival d’Aix-en-Provence, 2015. Photo Patrick Berger/ artcomart.
ALCINA, musique Georg Friedrich händel, mise en scène Katie Mitchell, scénographie Chloé Lamford, Festival d’Aix-en-Provence, 2015. Photo Patrick Berger/ artcomart.
Article publié pour le numéro
126 – 127

IL FAUT TOUJOURS se méfier des super­lat­ifs. Exercer un regard cri­tique, c’est analyser, pren­dre dis­tance. Pour moi, ce sera tou­jours avant tout faire partager l’émotion ressen­tie, et engager le lecteur, l’interlocuteur, l’ami, à aller voir…
Pas de réserve donc ici pour avancer qu’avec cette ALCINA, j’ai eu le sen­ti­ment de la ren­con­tre magis­trale de deux immenses artistes : Georg Friedrich Hän­del (1685 – 1759) et Katie Mitchell (1964).
Avec TRAUERNACHT créé au fes­ti­val d’Aix-en- Provence en 20141, Mitchell avait réus­si un boulever­sant tra­vail de mise en scène à par­tir d’extraits de can­tates de Jean-Sébastien Bach. Elle avait imag­iné à par­tir de celles-ci une nar­ra­tion théâ­trale, une sorte de réc­it, où appa­rais­saient une famille, un père et ses enfants. Les chanteurs incar­naient ces per­son­nages sans ajouts d’autres textes et réus­sis­saient à faire partager par la musique et les rela­tions qu’ils tis­saient entre eux la dimen­sion méta­physique de la mort.
Avec ALCINA, la trame nar­ra­tive existe. La force de la mise en scène sera de lui don­ner une dimen­sion con­tem­po­raine, réal­iste, sans évac­uer les élé­ments oniriques et mag­iques con­tenus dans le livret. Comme sou­vent à l’opéra, celui-ci n’est pas d’un intérêt con­sid­érable (dans un entre­tien Katie Mitchell le con­sid­ère même avec humour de « ridicu­lous » et décousu). La met­teure en scène va davan­tage s’appuyer sur la beauté de la musique et les émo­tions qu’elle fait naître pour dévelop­per son pro­pre réc­it.
Il y a dans les opéras de Hän­del, même dans ceux qu’on rat­tache à la série des œuvres « mag­iques », une part d’ombre qui perce sous la séduc­tion et le charme des arias. La musique d’ALCINA dégage une mélan­col­ie qui va don­ner le ton général au spec­ta­cle.

Les sauts dans le temps

La créa­tion de l’opéra a eu lieu en 1735 ; le livret s’inspirait de l’ORLANDO FURIOSO de L’Arioste écrit deux cents ans plus tôt…
La scéno­gra­phie que nous décou­vrons au lever du rideau sug­gère une époque mixte où se dérouleraient les évène­ments – les années 1920 – et en même temps, nous sommes aujourd’hui.
La met­teure en scène joue avec les péri­odes de l’histoire et nous con­fronte à l’impossible maîtrise de la fuite du temps. L’idée fasci­nante de dédou­bler les deux pro­tag­o­nistes prin­ci­pales, Alci­na et Mor­gana, en jeunes femmes désir­antes et désir­ables, et en femmes vieil­lies et mar­quées par le pas­sage des années, états qu’elles endossent et quit­tent en une frac­tion de sec­onde par un astu­cieux (et très théâ­tral) jeu de portes, nous ramène au cœur de la con­di­tion humaine. C’est aus­si une posi­tion engagée de l’artiste Katie Mitchell sur le rôle et l’image des femmes aujourd’hui.

Une lecture féministe
  1. TRAUERNACHT créé en juil­let 2014 était la sec­onde expéri­ence de mise en scène de musique de Bach (qui n’a jamais écrit d’opéra) par Mitchell. En 2007 elle avait réal­isé au fes­ti­val de Glyn­de­bourne une ver­sion scénique de la Pas­sion selon Saint Math­ieu. ↩︎
  2. Voir dans Alter­na­tives théâ­trales no 115, p. 97 – 99, WRITTEN ON SKIN, un chef d’œuvre de feu et de glace. ↩︎
  3. da capo : lit­térale­ment « derechef ». Reprise, sou­vent orne­men­tée, de la pre­mière par­tie de l’air, après une sec­tion cen­trale con­trastante ; cette forme ter­naire est sché­ma­tisée par trois let­tres : « A‑B-A. »  ↩︎
  4. Grâce à un très bon enreg­istrement de l’opéra par Arte, on peut tou­jours voir la cap­ta­tion d’Alcina en ligne : concert.arte.tv/fr/alcina-de-haendel-au-festival-daix-en-provence ↩︎

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Bernard Debroux
Bernard Debroux
Fondateur et membre du comité de rédaction d'Alternatives théâtrales (directeur de publication de 1979 à...Plus d'info
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