L’EXPÉRIENCE NOVATRICE du théâtre de Luca Ronconi, ces dernières années, s’est déployée presque entièrement sur deux versants : le travail avec les acteurs et la recherche d’une dramaturgie non conventionnelle dans sa structure formelle (trop souvent négligée par la culture scénique). LEHMAN TRILOGY est l’apogée de cette expérience, à laquelle on peut ajouter la valeur de la réflexion que le spectacle ouvre sur les dégénérescences (économiques, politiques, humaines…) de notre système social.
Le point de départ est celui du 15 septembre 2008, une date qui a marqué l’histoire économique récente : l’annonce de la faillite de la Lehman Brothers, une des plus célèbres banques d’affaires. Ce fut le début de la crise qui, encore aujourd’hui, bouleverse des existences à travers le monde. Cette déroute, dont les dettes atteignaient 639 milliards de dollars, devenant la plus grande faillite de l’histoire des banqueroutes mondiales, a eu une conséquence symbolique énorme : « Dans cette chute se trouve l’histoire de notre contemporanéité – déclare Luca Ronconi alors en répétitions – L’histoire de Lehman raconte ce qui se trouve dans l’histoire du monde occidental ». Elle est la preuve que le système de notre société est faillible et que tout peut arriver. C’est cette prise de conscience qui a déclenché un potentiel d’angoisses supérieur même au 11 septembre 2001, parce que les conséquences sont plus prégnantes dans la vie concrète des gens.
Le texte de Massini déplace donc l’histoire du réel au symbolique, et c’est ce qui a suscité l’intérêt de Luca Ronconi:«Ce qui m’a passionné, c’est la variété des registres linguistiques : l’essai, le roman, le récit onirique, dans une métrique quasi cinématographique ».