J’AI RENCONTRÉ Stanislas Nordey dans les années 1995/96, lorsqu’il était artiste associé au Théâtre des Amandiers, dirigé alors par Jean-Pierre Vincent, et que je concourais au festival international du théâtre universitaire. Stanislas était dans le jury professionnel. Il a soutenu le travail de mise en scène que j’avais réalisé sur des textes de Vélibor Colic et m’a proposé de suivre ses ateliers de recherches qu’il était en train de mettre en place. Cette idée de mêler acteurs, étudiants de diverses disciplines, jeunes metteurs en scène pour « chercher » me semblait géniale. Et puis, j’aimais ses mises en scène, je me retrouvais dans sa génération. Je garde un heureux souvenir de ces ateliers, un sentiment d’une grande liberté. Nous étions jeunes, infatigables, ambitieux, on explorait tous les coins et recoins du théâtre pour y faire des petites formes, nous nous installions dans le bar, dans le hall, sur les toits, dans les dessous du théâtre, dans ses jardins, partout. Le travail était intense, nous faisions énormément de lectures ; on dévorait des auteurs contemporains, des poètes, des philosophes, des théoriciens, pendant des journées entières, des soirs et des week-ends, parfois même la nuit, avec certains, on continuait, rue Pigalle, « chez Stan et Valérie ». Stanislas a toujours été un grand bosseur, il avait cette capacité à impulser une énergie folle dans le travail, une dynamique de groupe, une espèce de boulimie qui me plaisait beaucoup. outre les propositions artistiques, nous faisions des groupes de réflexions sur le fonctionnement des théâtres : on se questionnait aussi bien sur le bâtiment théâtre que sur la politique tarifaire, l’accueil des publics… Nous étions animés par un désir de changer les choses, nous voulions que le théâtre soit plus accessible à tous. Nous nous mobilisions aussi pour des causes. Cet endroit de travail, mêlant théâtre et politique, était passionnant. Valérie Lang était son assistante et, tout de suite, nous nous sommes entendues, j’appréciais sa personnalité, son intelligence, son engagement politique.
En 1998, j’ai rejoint Stanislas au TGP à St-Denis puisqu’il y avait été nommé directeur. Il m’avait proposé de venir travailler sur son projet de Théâtre citoyen et d’y faire mon premier projet professionnel – MÉDÉE de Hans Henny Jahnn. C’était une belle opportunité qu’il m’offrait. J’ai travaillé beaucoup aux côtés de Valérie ; on aimait le terrain. Nous allions partout, sur les marchés, dans les cités, les foyers de jeunes travailleurs, les fêtes de quartier… à la rencontre des habitants pour parler du théâtre, nous avons même fait du porte à porte. C’étaient des journées extrêmement remplies, beaucoup de travail et de rencontres, je revois encore Valérie qui, parfois, épuisée de fatigue, s’endormait sous son bureau car elle jouait le soir. Quand le TGP a traversé des difficultés, s’est fait attaquer par certains de la profession et que beaucoup de la troupe permanente avaient quitté le navire, j’ai décidé de rester. Il me semblait important de ne pas baisser les bras, de continuer avec ceux qui m’avaient donné la chance de monter mon premier projet professionnel.