ALTERNATIVES ThÉÂTRALES n’aurait pas existé sans lui ; n’aurait pas duré sans lui. L’amitié, plus que l’amour sans doute, s’inscrit dans la fidélité.
Aussi loin que remonte la mémoire de nos moments partagés, j’ai toujours vu Patrice dessiner.
Le trait sûr pour croquer un porche roman ou une ferme brabançonne dans nos randonnées d’adolescents ; ou pour imaginer un décor pour la pièce écrite (et jouée) dans l’assurance (inconscience?) de mes dix-sept ans : Des fleurs et la raison.
Au conservatoire de Louvain que nous avons fréquenté ensemble, notre professeur nous fait travailler la première scène du MISANThRoPE.
Patrice est Philinte, je joue Alceste…
Sans doute partagions-nous les traits de l’un et l’autre de ces deux amis : il y avait en chacun de nous de l’Alceste et du Philinte.
Engoncés dans nos costumes dix-septième loués pour le concours de fin d’année et coiffés de perruques qui devaient nous sembler ridicules, nous aimions la clarté de la langue de Molière :
« Je prends, tout doucement, les hommes comme ils sont,
J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font ; Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,
Mon flegme est philosophe, autant que votre bile. »
Même s’il doit souvent bouillir à l’intérieur, Patrice possède un flegme qui respecte ses interlocuteurs et la courtoisie est chez lui comme une seconde nature. Il aurait pu monnayer à prix fort son travail de graphiste dans ce monde de la « com » où d’autres, tellement moins talentueux que lui, ont fait fortune. Le graphisme, tel qu’il le conçoit, est aussi une éthique ; sur ce point il est intransigeant.
Cette époque où règnent en maître l’argent, la finance, le profit, Patrice l’a toujours tenue à distance. Il a réservé son travail à des institutions culturelles, scientifiques, politiques, négligeant les entreprises commerciales, sans doute parce que souvent celles-ci, dans leur politique d’information, privilégient l’accroche au détriment d’une véritable communication sur le contenu.
En créant avec lui la revue Alternatives théâtrales en 1979, il y a eu comme une évidence à y adjoindre quelques années plus tard un atelier graphique où se sont réalisés des projets d’information et de communication pour des artistes mais aussi pour des théâtres, scènes nationales, musées, opéras et maisons d’édition en Belgique et en France.