LVG Vous soulignez dans vos travaux un phénomène en apparence paradoxal qui s’observe dans nos métropoles aujourd’hui : une fragmentation ethnique de certains quartiers et en même temps une interaction grandissante entre les citoyens de différentes origines ethniques et sociales. Pouvez-vous expliquer cela ?
MM Nos villes (petites et grandes) sont de plus en plus diversifiées. Il y a, d’une part, un repli sur des communautés imaginaires parce que les gens se sentent menacés par la globalisation, par les différentes formes de précarité et cherchent refuge dans des communautés qu’ils imaginent comme étant naturelles. Cela se manifeste souvent par des attitudes négatives envers tout ce qui est sensé représenter l’autre. De l’autre côté, on remarque parfois dans les mêmes villes et dans les mêmes quartiers qu’une partie de la jeunesse est habituée à vivre dans cette diversité qui constitue son quotidien. De nombreux jeunes ont des interactions fréquentes avec des gens qui ont d’autres origines, d’autres religions, etc.
LVG Par rapport au phénomène de migration, qu’est-ce qui fait la différence aujourd’hui avec celui qu’a connu la Belgique dans le passé, notamment, avec les Italiens ?
MM La grande différence, c’est qu’il y avait une insertion dans le marché du travail. Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’hostilité envers les étrangers. Il n’y avait pas, ou moins, ce sentiment de concurrence sur le marché du travail. Les gens pensaient que ceux qui venaient travailler dans les charbonnages allaient repartir. Ils avaient une fonction particulière dans la société. Au fil du temps, les choses ont changé, ils sont restés, mais on s’en est rendu compte que beaucoup plus tard ! C’est toujours le cas dans l’histoire des migrations. Des migrations présentées comme temporaires deviennent permanentes et inversement des migrations présentées comme permanentes sont en réalité temporaires.
LVG Avez-vous l’impression que l’on assiste aujourd’hui à une fermeture identitaire ?
MM D’un côté, oui. De l’autre, on voit, notamment dans le domaine culturel (tout ce qui émane du mouvement Hip Hop) ou dans le domaine sportif (qui pour moi fait partie du domaine de la culture), que beaucoup de jeunes créent de nouvelles formes de solidarité.