Ancré au Théâtre de Liège, le projet Philostory1 est né d’une situation particulière (on pourrait dire une situation de coexistence sans réelle cohabitation) : sur la place du XX août à Liège, deux bâtiments imposants – l’université et le théâtre – se font face. Pourtant, mises à part quelques alliances déjà effectives, les interactions restaient peu nombreuses. Les universitaires avaient tendance à contourner la grande maison voisine. Philostory s’articule pour cette raison à une tentative expérimentale : que se passerait-il si on s’invitait dans l’espace de l’autre, dans la maison d’en face, pour tenter une rencontre, pour essayer de cohabiter au sens fort ? Les trois premières saisons du cycle ont permis d’organiser une dizaine de rencontres inédites2. Le principe en est simple : le temps d’une soirée, un ou plusieurs philosophes sont invités à passer la rampe et à dialoguer avec un artiste autour d’un spectacle. Mais on en a vite fait l’épreuve, le travail en commun n’a rien d’évident, pour toutes sortes de raisons, concrètes ou plus profondes. Le théâtre et l’université sont des institutions qui se ressemblent peu, soumises à des objectifs, des publics et des rythmes bien différents. Malgré tout, l’enthousiasme ne nous a pas lâché.
Que font les philosophes quand elles/ ils vont au théâtre ? Loin de n’être que des animaux bavards qui se cachent derrière leurs plumes, les philosophes savent aussi parfois se mouiller, analyser des situations, déconstruire des représentations, en créer de nouvelles et travailler à mettre en relief les problématiques de notre époque. Bien entendu, il s’agit d’un pari. Selon les représentations communes, les philosophes passent plutôt leur temps dans les livres qu’au théâtre. Et ce n’est pas faux : elles/ils apprennent en premier lieu à lire les textes, à s’y rapporter, à dégager leurs enjeux, à faire ressortir les problèmes qui s’y nichent. Or quand elles/ils vont au théâtre, il ne s’agit plus seulement de textes, mais de corps, de situations, d’expériences, et d’enjeux incarnés.