Philosopher en acte

Entretien
Théâtre
Edito

Philosopher en acte

Entretien avec Denis Guénoun

Le 30 Juil 2018
Charles Habib-Drouot, Stanislas Roquette, Marc Depond, Alvie Bitemo, Marie-Cécile Ouakil et Marc Veh dans Aux corps prochains (sur une pensée de Spinoza), conception Denis Guénoun et Stanislas Roquette, mise en scène Denis Guénoun, Théâtre National de Chaillot, 2015. Photo Compagnie Artépo.
Charles Habib-Drouot, Stanislas Roquette, Marc Depond, Alvie Bitemo, Marie-Cécile Ouakil et Marc Veh dans Aux corps prochains (sur une pensée de Spinoza), conception Denis Guénoun et Stanislas Roquette, mise en scène Denis Guénoun, Théâtre National de Chaillot, 2015. Photo Compagnie Artépo.
Charles Habib-Drouot, Stanislas Roquette, Marc Depond, Alvie Bitemo, Marie-Cécile Ouakil et Marc Veh dans Aux corps prochains (sur une pensée de Spinoza), conception Denis Guénoun et Stanislas Roquette, mise en scène Denis Guénoun, Théâtre National de Chaillot, 2015. Photo Compagnie Artépo.
Charles Habib-Drouot, Stanislas Roquette, Marc Depond, Alvie Bitemo, Marie-Cécile Ouakil et Marc Veh dans Aux corps prochains (sur une pensée de Spinoza), conception Denis Guénoun et Stanislas Roquette, mise en scène Denis Guénoun, Théâtre National de Chaillot, 2015. Photo Compagnie Artépo.
Article publié pour le numéro
135

Olivi­er Dubouclez : De la philoso­phie au théâtre, la con­ti­nu­ité ne va pas de soi, non seule­ment parce que la philoso­phie, à quelques nota­bles excep­tions, s’est longtemps méfiée de la « représen­ta­tion » et du « spec­ta­cle », mais aus­si parce rien n’assure de prime abord que le théâtre con­stitue un lieu ouvert à l’acte philosophique. Une sin­gu­lar­ité de votre par­cours tient pour­tant au rap­port qui s’y noue entre la scène – comme auteur, acteur ou met­teur en scène – et la pen­sée spécu­la­tive – comme philosophe, théoricien du théâtre et uni­ver­si­taire. Vous avez d’ailleurs con­sacré à cette ques­tion un ouvrage en 1997, Rela­tion (entre théâtre et philoso­phie). Pour­riez- vous revenir sur la façon dont ont cohab­ité chez vous ces deux domaines de créa­tion et de pen­sée ?

Denis Gué­noun J’ai vécu d’abord cette rela­tion sur le mode de l’hétérogénéité : quand je fai­sais de la philoso­phie, je ne par­lais pas néces­saire­ment de théâtre et, une fois au théâtre, en par­ti­c­uli­er dans mon tra­vail de met­teur en scène, je recher­chais la rad­i­cal­ité de l’acte dra­ma­tique pour lui-même, en mon­tant notam­ment du Shake­speare – Roméo et Juli­ette, La Nuit des rois, Jules César (1975 – 1976). J’ai ensuite mis en scène des pièces dont j’étais moi-même l’auteur, et mon tra­vail n’avait rien de vis­i­ble­ment philosophique et n’était d’ailleurs pas perçu comme tel. Au con­traire, on me fai­sait le grief de don­ner dans le « théâtre pop­u­laire », en pro­posant des drames his­toriques, notam­ment avec la Trilo­gie de Pâques (1985 – 1992). Je me suis arrêté alors et suis revenu à la philoso­phie, à plein temps et pour elle-même, philoso­phie dont l’objet était prin­ci­pale­ment poli­tique. La con­jonc­tion entre théâtre et philoso­phie s’est faite plus tard, même si au moment de la Let­tre audi­recteur de théâtre (1996), il y avait déjà un intérêt pour cette « rela­tion ». Le théâtre y posait une ques­tion à la philoso­phie : « Toi, philoso­phie, es-tu capa­ble de t’exposer ? Puisque, toi aus­si, tu es affaire d’exposition, viens donc sur scène et voyons ce qui arrive… ». C’était juste­ment ce que dans la Let­tre, dans le texte qui posait cette ques­tion, je pré­tendais réalis­er.

OD Peut-on dire que votre « pre­mière manière », tournée vers l’Histoire et soucieuse d’abord de racon­ter, était en rup­ture avec une cer­taine idée, et même avec une cer­taine philoso­phie du théâtre ?

DG Indis­cutable­ment. Au théâtre, comme ailleurs, j’ai tou­jours été ani­mé par une cer­taine pas­sion pour le réel, très proche de la démarche doc­u­men­taire telle qu’on la trou­ve au ciné­ma. Or, dans les théories philosophiques du théâtre, on con­sid­ère sou­vent qu’il y a une incom­pat­i­bil­ité entre le théâtre et pareille façon de ren­dre compte de la réal­ité. Pour Szon­di le drame est un monde clos, fer­mé sur lui-même. On trou­ve déjà cette idée chez Niet­zsche et dans la tra­di­tion : le fait d’aller chercher quelque chose qui a vrai­ment lieu est la destruc­tion du dra­ma­tique. Bris­er cette clô­ture est l’un des moteurs de la démarche brechti­enne dont je suis héri­ti­er, même si à l’époque où le brechtisme était dom­i­nant, je n’étais pas per­son­nelle­ment engagé sur ce plan.

En ce qui me con­cerne, la volon­té de ren­dre compte de quelque chose qui a eu lieu ou qui a lieu est passée par le rap­port à l’Histoire. Je n’ai pas totale­ment aban­don­né cette voie : il y a eu par exem­ple Mai, juin, juil­leten 2012. Mais, à la fin des années 1990, c’est le réel auto­bi­ographique qui s’est imposé, avec en par­ti­c­uli­er Scène (1997) dont le per­son­nage prin­ci­pal porte mon nom et Un Sémite (2002) qui, à ce jour, est mon prin­ci­pal livre auto­bi­ographique et qui était une réponse à une com­mande de théâtre de Michel Voï­ta.

OD Le recours au « je » était aus­si une façon d’introduire une cer­taine réflex­iv­ité sur la scène ?

DG Et surtout de pos­er une ques­tion qui n’a cessé de m’occuper : celle de savoir ce qui a lieu sur la scène au moment pré­cis où on joue ; non pas la ques­tion de la scène en général, mais celle de l’événement. La Let­tre au directeur de théâtre répondait à ce besoin en pro­posant une sorte de piran­del­lisme. C’était aus­si une façon de pren­dre les choses au point où les avaient lais­sées Beck­ett : faire droit à cette fas­ci­na­tion pour la scène, pour ce qui a lieu là, jusqu’à une cer­taine extinc­tion du texte. Aux corps prochains (2015) est la pièce où je suis allé le plus loin dans l’extinction de l’écriture d’auteur pour laiss­er la place à une « écri­t­ure de plateau », liée à une forme d’organisation col­lec­tive, et qui débouche à la fin sur une « Déc­la­ra­tion », un texte affir­mant la rad­i­cal­ité de son écri­t­ure et faisant irrup­tion par là, comme si l’on ame­nait soudain sur les planch­es un ani­mal ou une machine.

OD Dans plusieurs de vos spec­ta­cles récents, la con­jonc­tion entre théâtre et philoso­phie est dev­enue explicite : La Nuit des buveurs (2008), adap­ta­tion du Ban­quet de Pla­ton, Qu’est-ce que le temps ?(2011), mise en scène du livre XI des Con­fes­sions, et Aux corps prochains (2015), sous- titré « Sur une pen­sée de Spin­oza ». Qu’est-ce qui a motivé cette plongée soudaine dans la philoso­phie et les grands auteurs de la tra­di­tion ?

DG Inviter la philoso­phie sur scène sig­ni­fie pour moi inter­roger plus pro­fondé­ment et plus rad­i­cale­ment l’acte théâ­tral pour lui-même, cela pour au moins deux raisons. La pre­mière, c’est que les très grands textes de théâtre sont tous de très grands textes de pen­sée, au sens où la manière dont l’énoncé théâ­tral est élaboré et intro­duit par ces auteurs est une chose extra­or­di­naire­ment dense en pen­sée. Et ce con­stat peut s’appliquer à l’approche de la philoso­phie par le théâtre : quand on prend Augustin, Spin­oza ou Pla­ton, le théâtre per­met d’épurer cet élé­ment de pen­sée, à la con­di­tion d’une cer­taine écri­t­ure du texte philosophique qui l’extraie de sa gangue.

Mais il y a une sec­onde rai­son. La ques­tion philosophique essen­tielle pour moi est celle de l’extériorisation : celle de la phénomé­nal­ité, de l’expression, de la créa­tion au sens théologique. C’est la ques­tion esthé­tique au sens hégélien, dans la pré­face de la Phénoménolo­gie de l’esprit : « La force de l’esprit est seule­ment aus­si grande que son extéri­or­i­sa­tion, sa pro­fondeur, pro­fonde seule­ment dans la mesure où elle ose s’épancher et se per­dre en se déploy­ant ». Or cette ques­tion ne se pose jamais de façon aus­si aiguë que sur la scène : si le pein­tre ou le sculp­teur donne à ce devenir-extérieur la forme d’une œuvre d’où ils se retirent par après, la prax­is de l’acteur fait qu’il se trou­ve dans un acte qui est aus­si lui- même. L’acteur vit ce devenir-extérieur à même sa per­son­ne. C’est ce que l’on a très forte­ment vécu avec Qu’est-ce que le temps ? : un point d’indistinction entre ce dont par­lait le texte et ce que vivait l’acteur. Ce qui se tradui­sait par des ques­tions du pub­lic à Stanis­las Roquette : « Est-ce que vous croyez en Dieu ? », ou pour le spec­ta­cle Artaud-Bar­rault (2010) : « Est-ce que vous n’êtes pas en train de devenir fou ? »

OD Qu’est-ce que le temps ?, à cet égard, a un statut par­ti­c­uli­er : le drame de penser s’y présente à nu ; Augustin con­stitue la ques­tion, dans un effort qui con­fine au dés­espoir, et ensuite, selon les mêmes modal­ités, arrache une réponse à sa pro­pre con­fu­sion. N’est-ce pas l’acte philosophique qui se phénomé­nalise alors – la ques­tion et sa réso­lu­tion offerte dans le mou­ve­ment con­tinu d’une genèse ?

DG Oui, et ce que je dois soulign­er, c’est que la mise en scène s’est con­stru­ite à par­tir d’une cer­taine nudité, d’un non-savoir. On ne savait rien d’abord sur Augustin et on ne savait rien sur ce qu’il était pos­si­ble de faire. Nous n’avions pas l’idée de ce que nous voulions mon­tr­er. Stanis­las Roquette me demandait tou­jours : « Est-ce que c’est du théâtre ? Pens­es-tu que ça fasse vrai­ment du théâtre ? » Pour que cela soit du théâtre, il fal­lait cer­taines cir­con­stances qui sont sans doute en lien avec le mou­ve­ment de genèse que vous évo­quez : une scène vide, un acteur qui n’est pas un « philosophe », une igno­rance jusqu’à un cer­tain point d’Augustin lui-même, de sa fig­ure his­torique, doc­tri­nale, pour se laiss­er inter­roger par les mots et voir com­ment ren­dre compte de leur enchaîne­ment en ter­mes d’énergie scénique. Je pense sou­vent à ces pas­sages mag­nifiques où Deleuze par­le de l’écriture philosophique. Je crois que le théâtre ne fait rien d’autre qu’aggraver ce que l’écriture fait à la philoso­phie, en tra­vail­lant son corps lan­gagi­er qui est un corps physique, en le prenant au mot.

OD Dans ce trans­fert de la philoso­phie vers le théâtre, il y a un con­cept par­ti­c­ulière­ment impor­tant : l’hypothèse. Ce terme donne son titre à Hypothès­es sur l’Europe (2000), et il se retrou­ve aujourd’hui dans votre dernier spec­ta­cle, Soulever la poli­tique créé à Genève en novem­bre 2017, qui est une « Hypothèse-théâtre ». Com­ment l’hypothèse peut-elle être un ressort de l’écriture dra­ma­tique ? Faut-il y voir un appel à l’expérimentation ?

DG Le mot « hypothèse » a d’abord été un leit­mo­tiv, dont l’insistance rel­e­vait de raisons qui, sur le moment, m’échappaient un peu. Le sig­nifi­ant précède par­fois les déci­sions théoriques et engage quelque chose qui n’est pas tou­jours con­scient. Il reste néan­moins que l’hypothèse est aus­si un acte de pen­sée visant à se deman­der « et si… », « et si c’était ain­si ». Ce qui dans le cas du spec­ta­cle de 2017 est devenu un acte de « pen­sée ensem­ble » : « Et si on refai­sait la poli­tique ? »

OD Une hypothèse for­mulée en com­mun, donc – un acte philosophique à plusieurs ?

DG Oui, véri­ta­ble­ment. Au départ, nous n’avions rien d’autre que le titre, Soulever la poli­tique. Notre pre­mier acte de pen­sée fut de con­stituer une équipe d’acteurs : nous voulions « soulever la poli­tique » depuis la Corée, le Laos, le Con­go et l’Aveyron. Il y avait une thèse der­rière cela : la poli­tique est affaire de monde ; il n’y a désor­mais rien d’autre qu’une poli­tique-monde ; même la plus locale est mon­di­ale. À par­tir de là, nous avons mis sur pied un pro­to­cole d’improvisation assez pré­cis où l’un fai­sait une « con­férence de presse » tan­dis que les trois autres l’interro- geaient sur son his­toire. Il ne s’agissait pas de dire quels étaient nos prob­lèmes com­muns ou ce que l’on pou­vait faire ensem­ble : il s’agissait d’être ensem­ble. Parce qu’Eunil est née à Gwangju, j’ai décou­vert à cette occa­sion un événe­ment de l’histoire mon­di­ale dont je ne savais rien, les mas- sacres de Gwangju en 1984, événe­ment essen­tiel dans l’histoire de la Corée – et du monde. Boun Sy a fui le Laos dans les années 1970. Ce sont qua­tre guer­res qu’Alvie a tra­ver­sées, au sens physique du mot. La poli­tique qui vient sera faite à par­tir de ça, de ces his­toires, mais aus­si de ce rap­proche­ment entre nous, de la phil­ia entre une Coréenne et une Africaine qui ne se con­nais­saient pas et qui sont dev­enues insé­para­bles.

OD Le spec­ta­cle s’est donc écrit en col­lab­o­ra­tion avec les comé­di­ens, comme c’était déjà le cas d’Aux corps prochains.

DG Dans Soulever la poli­tique, la démarche était toute­fois dif­férente. Cha­cun racon­tait des his­toires, et sur la base des réc­its des acteurs, je me met­tais à écrire pour eux, sans du tout me con­tenter de repren­dre ce qu’ils avaient dit : j’étais en dia­logue avec leurs his­toires, mobil­isant moi-même un cer­tain imag­i­naire ; et ce qui s’est com­posé alors, c’est un étrange rôle qui leur res- sem­ble mais qui n’est pas du tout eux, où ce sont mes mots et pas les leurs. Ce qui pose la ques­tion de savoir dans quelle mesure pareils rôles peu­vent être repris, étant enten­du que le statut du théâtre, c’est la pos­si­bil­ité de repren­dre… J’ai été pas- sion­né par cette démarche d’écriture, par cette élab­o­ra­tion d’un nou­veau rôle, situé quelque part entre eux et moi.

OD Un tel pro­jet fait songer à un philosophe qui vous est cher, Rousseau, et à la si prob­lé­ma­tique insti­tu­tion du pacte social. L’histoire que cha­cun racon­te, sa « con­férence », serait alors une façon de « se sépar­er de soi-même », comme dit Le Man­u­scrit de Genève, de s’avancer pour « activ­er » le pacte…

DG On pour­rait par­ler d’une « hyper­topie » : si l’utopie est sans lieu, il s’agit ici de ce qui a lieu lorsque nous, acteurs et actri­ces, nous sommes ensem­ble et que nous nous retrou­vons à tra­vers nos his­toires. Les comé­di­ens m’ont d’ailleurs beau­coup ques­tion­né là-dessus. Est-il pos­si­ble de refaire de la poli­tique, de refaire le monde, et com­ment s’y pren­dre ? En vérité, on ne voit pas bien com­ment faire. À part, peut-être com­mencer par être présents les uns aux autres. C’est l’acte pré­cisé­ment, cet être-ensem­ble que nous expéri­men­tons. Et c’est la grandeur du théâtre, car cette aven­ture de con­stru­ire une exis­tence com­mune et un lieu com­mun est sin­gulière. Par cette opéra­tion, les ghet­tos soci­aux où nous vivons sont comme sus­pendus. Désor­mais, j’ai une amie africaine, un ami lao­tien, une amie coréenne, et ça, c’est l’acte de théâtre. Ce qui ne veut pas dire que nous ayons sur­mon­té toutes les dif­fi­cultés posées par le spec­ta­cle, et que nous soyons par­venus à un résul­tat qui nous sat­is­fasse entière­ment…

OD À un cer­tain moment, dans l’acte III, l’acte fon­da­teur dont vous venez de par­ler est retourné vers la salle avec l’appel au « vote mon­di­al ». Vote qui ne vaut pas par le con­tenu par­ti­c­uli­er qu’il exprime, mais par la déc­la­ra­tion unanime qu’il entend accom­plir. Cha­cun est appelé à se pronon­cer. N’est-ce pas, comme à la fin du Citoyen, une sorte de « bombe démoc­ra­tique » ? L’acte théâ­tral ici ne retrou­ve-t-il pas, comme per­for­mance, toute son effec­tiv­ité poli­tique ?

DG C’est aus­si toute la dif­fi­culté ! Com­ment bas­culer du dra­ma­tique au poli­tique ? Le spec­ta­cle s’ouvre sur une phrase de Stanis­las Roquette : « Au départ, nous ne voulions pas faire un spec­ta­cle inti­t­ulé Soulever la poli­tique… Notre but était de soulever la poli­tique ». Mais cette phrase pose évidem­ment un prob­lème : pass­er du spec­ta­cle Soulever la poli­tique, à l’acte effec­tif du soulève­ment. C’est la ques­tion de la « césure », au sens que Lacoue-Labarthe a don­né à ce terme, et, en effet, il y a une césure dans la pièce. Comme dans LeCitoyen, il y a une fable, mais ici la fable finit par se bris­er. Le moment de la cas­sure a été extrême­ment dif­fi­cile. Ce n’est pas pos­si­ble théâ­trale­ment de cass­er de cette façon : com­ment racon­ter une belle his­toire, et tout à coup s’arrêter pour par­ler de ce qui a lieu, de la poli­tique juste­ment ? Une polémique est née autour du geste sac­ri­fi­ciel à la fin de l’acte II. Pourquoi le sac­ri­fice s’arrête-t-il ? Selon moi, il était essen­tiel que cet arrêt soit sans rai­son. C’est une grâce, située en dehors de l’explication causale. S’il y avait de la causal­ité, on resterait pris­on­nier de la fable et l’on ne parviendrait pas à aller dans la salle. Stanis­las Roquette a fini par trou­ver une solu­tion à cette dif­fi­culté, en tombant dans la salle depuis la scène. Événe­ment qu’on ne peut récupér­er dans le poème, qui coupe la trame où l’on était instal­lé pour don­ner lieu à la poli­tique. Toute la ques­tion néan­moins est de savoir ce qu’est cet acte, ce qu’est un acte en général. Est-ce un acte pur ? Com­ment éviter le tran­chant du « déci­sion­nisme » à la Carl Schmitt, l’arbitraire de l’acte sou­verain ?

OD Plutôt qu’un acte déjà accom­pli, n’est-ce pas ici l’appel à un acte com­mun – un acte qui demande à être repris par la mul­ti­tude ?

DG C’est une inter­pré­ta­tion, en effet, qui m’a été sug­gérée par Esa Kirkkopel­to dans un autre con­texte, à pro­pos de la Révéla­tion. Il le for­mu­lait alors en ter­mes ben­jaminiens : la Révéla­tion ne serait pas un don­né, mais une tâche. Il en irait de même ici. Je con­teste l’acte pur dans son amont, dans son autori­tarisme et sa bru­tal­ité, mais il faut le voir aus­si dans son aval, dans sa propo­si­tion, dans sa tâche.

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Olivier Dubouclez
Ancien élève de l’École Normale supérieure de la rue d’Ulm, agrégé et docteur en philosophie,...Plus d'info
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