À la confluence des langages

Entretien
Musique
Théâtre

À la confluence des langages

Entretien avec Marianne Pousseur

Le 17 Nov 2013
Marianne Pousseur dans Ajax, texte Yannis Ritsos, musique originale Marianne Pousseur, mise en scène, espace et lumières Enrico Bagnoli, Théâtre Varia, Bruxelles, 2015. Photo Marco Sallese.

A

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Marianne Pousseur dans Ajax, texte Yannis Ritsos, musique originale Marianne Pousseur, mise en scène, espace et lumières Enrico Bagnoli, Théâtre Varia, Bruxelles, 2015. Photo Marco Sallese.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 136 - Théâtre Musique
136

Après des étud­ies de chant clas­sique et de musique de cham­bre au Con­ser­va­toire de Liège, Mar­i­anne Pousseur a dévelop­pé sa car­rière dans un réper­toire essen­tielle­ment tourné vers le XXe siè­cle, la créa­tion et le théâtre musi­cal. Elle col­la­bore depuis 1996 avec le con­cep­teur lumières, scéno­graphe et met­teur en scène Enri­co Bag­no­li. En 2008, ils fondent la com­pag­nie de théâtre musi­cal KHROMA et réalisent des pro­duc­tions aux for­mats divers, allant du spec­ta­cle pour enfants aux œuvres musi­cales les plus pointues, qu’ils présen­tent dans le monde entier. Pro­fesseur de chant pen­dant de nom­breuses années, Mar­i­anne Pousseur est actuelle­ment pro­fesseur d’art lyrique au Con­ser­va­toire de Brux­elles.

ID
Dès tes débuts comme chanteuse lyrique, tu es allée vers des formes opéra­tiques proches du théâtre par­lé, avec le fameux Pier­rot Lunaire de Schoen­berg dont tu es une inter­prète-phare…

MP Oui, et je con­tin­ue à le tourn­er chaque année, depuis 30 ans, dans le monde entier1… je n’en reviens pas ! C’est une œuvre que j’ai décou­verte très jeune et qui m’a telle­ment impres­sion­née qu’il était clair que j’allais en faire quelque chose. Au début, je ne com­pre­nais pas ce qui me fasci­nait ; le Pier­rot lunaire est d’une telle den­sité, d’une telle com­plex­ité que j’y puise encore un nom­bre incal­cu­la­ble de richess­es, même si ce n’est qu’une œuvre d’à peine trois quarts d’heure. Ce qui me paraît fon­da­men­tal, c’est que la pièce se situe à la charnière de plein d’éléments : la musique, le texte, le geste vocal, le sens… et au-delà, un sen­ti­ment bru­tal que tu ne peux traduire ni en mots ni en musique. Tu es sur une lim­ite qui est aus­si une faille créa­trice qui per­met un chant expres­sif infi­ni. 

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Tu as aus­si inter­prété les pièces vocales à la fois très min­i­males et très théâ­trales de Scia­r­ri­no, et puis il y a eu la ren­con­tre avec Georges Aperghis, un « pio­nnier » du théâtre musi­cal…

MP Ce sont des expéri­ences qui se situ­aient exacte­ment à cet endroit de charnière et de faille… L’enregistrement que j’ai fait du Lohen­grin de Scia­r­ri­no a d’ailleurs eu les hon­neurs d’un prix ! Avec Aperghis est né le pro­jet de solo sur le poème Ismène de Ian­nis Rit­sos en 2008. Ont suivi Phè­dre en 2013 et Ajax en 2015, dont j’ai moi-même com­posé la musique, tou­jours sur des poèmes de Rit­sos. Les trois spec­ta­cles for­ment la Trilo­gie des élé­ments. Comme créa­trice, c’est tou­jours cette con­flu­ence entre les lan­gages qui m’intéresse, y com­pris le lan­gage de l’espace, de la lumière et du corps, pour per­me­t­tre l’expressivité du chant et l’ouvrir à d’autres dimen­sions. Com­ment tiss­er ces lan­gages sans les hiérar­chis­er, sans céder au réflexe – dans mon cas – de don­ner la pri­or­ité au texte ? Avec Enri­co, on a beau­coup tra­vail­lé là-dessus, à tra­vers toutes sortes de spec­ta­cles depuis vingt-cinq ans. Je pense à celui qu’on a fait sur les Song Books de John Cage, où il creuse la ques­tion des rela­tions et des hiérar­chies : com­ment faire coex­is­ter quelqu’un qui par­le ou chante fort avec quelqu’un qui par­le ou chante douce­ment, com­ment laiss­er la place à toutes les choses, à tous les sons… 

ID
Votre Trilo­gie des élé­ments est une forme assez unique en son genre, à laque­lle Georges Banu a con­sacré un texte ébloui
2, où il évoque « la syn­thèse pre­mière des arts » à laque­lle ren­voient poé­tique­ment et organique­ment ces trois pièces, avec la présence de la terre dans Ismène, du feu dans Phè­dre et de l’air dans Ajax.

MP Oui, ce sont des pro­jets qui ne ressem­blent à rien d’autre… C’est ce qui rend le tra­vail de pro­duc­tion et de dif­fu­sion par­fois dif­fi­cile ! Nous avons récem­ment joué Ismène au fes­ti­val Musi­ca à Stras­bourg. « On aime beau­coup ce que vous faites mais il n’y a pas assez de musique », nous a‑t-on dit. Les sub­ven­tions de nos pro­jets, on les demande d’ailleurs à la com­mis­sion théâtre parce que du côté de la musique, ce n’est pas la peine.

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Marianne Pousseur
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Isabelle Dumont
Actrice, créatrice de spectacles et de conférences scéniques, chercheuse curieuse, Isabelle Dumont a été interprète...Plus d'info
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