L’homme actant

Théâtre
Portrait

L’homme actant

Portrait de Josse De Pauw

Le 20 Nov 2013
Cécile Pilorger (alto), Marnix De Cat (contre- ténor), Magdalena Podkościelna (soprano), devant : Sofia Gvirts (alto), Karolina Hartman (alto), Taka Shamoto (danseuse), Viola Blache (soprano), Gorges Ocloo et Josse De Pauw dans De Blinden (Les Aveugles), conception et mise en scène Josse De Pauw, composition Jan Kuijken, texte Maurice Maeterlinck, LOD muziektheater et Theaterproductiehuis Zeelandia, 2018. Reprise en mars 2019 au Théâtre de Namur. Photo Kurt Van der Elst.

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Cécile Pilorger (alto), Marnix De Cat (contre- ténor), Magdalena Podkościelna (soprano), devant : Sofia Gvirts (alto), Karolina Hartman (alto), Taka Shamoto (danseuse), Viola Blache (soprano), Gorges Ocloo et Josse De Pauw dans De Blinden (Les Aveugles), conception et mise en scène Josse De Pauw, composition Jan Kuijken, texte Maurice Maeterlinck, LOD muziektheater et Theaterproductiehuis Zeelandia, 2018. Reprise en mars 2019 au Théâtre de Namur. Photo Kurt Van der Elst.
Article publié pour le numéro
Couverture du numéro 136 - Théâtre Musique
136

Josse De Pauw (1952 – ) est un acteur. Ce n’est pas seule­ment l’acteur le plus demandé de la scène fla­mande. C’est surtout un homme actant : un homme qui cherche tou­jours à explor­er, rechercher, trans­pos­er et inter­roger. 

Il incar­ne au sens le plus pur du terme l’homme actant du temps de Radeis, troupe de théâtre absurde qui, au début des années 1980, a ébran­lé le théâtre à texte pous­siéreux de l’époque en créant des représen­ta­tions humoris­tiques et imagées. Lors de ces pre­mières années, l’homme qui con­naî­tra ensuite la célébrité grâce à des rôles à texte puis­sants comme celui du con­sul dans Onder de vulka­an (Sous le vol­can, en 2009) ou de l’icône du foot­ball Ray­mond (2012) ne s’exprimait pas encore – il lui man­quait les mots. Il était le clown silen­cieux, le héros absurde, le per­son­nage qui cafouille en dehors de toute langue. Ani­mé unique­ment par le plaisir de jouer. Josse De Pauw : « Radeis m’a per­mis de décou­vrir la joie du jeu d’acteur. Nous jouions sans paroles. Après huit ans, j’en ai eu assez de me taire et j’ai com­mencé à écrire des textes pour moi-même. Retrou­ver la parole a été béné­fique, mais je con­tin­u­ais d’apprécier le rythme et la cadence que j’avais appris dans la rue avec Radeis. » 

Radeis avait vu le jour en 1976, lorsque l’impact de 1968 venait seule­ment de gag­n­er la Flan­dre. Josse De Pauw avait seize ans en cette année mythique de 1968. Par voie de con­séquence, le con­cept de « lib­erté » fig­u­rait en bonne place sur la liste de ses envies. Josse De Pauw : « La sig­ni­fi­ca­tion de ce mot ne me péné­trait pas pro­fondé­ment, pas plus qu’elle ne le fait aujourd’hui, mais c’était une chose à laque­lle j’aspirais. » Ce pen­chant pour la lib­erté et le désir de suiv­re ses envies ne l’ont jamais quit­té. Un demi-siè­cle plus tard, Josse De Pauw est tou­jours l’un des rares artistes à évoluer en free-lance dans le paysage artis­tique, sans struc­ture ni com­pag­nie. C’est sous l’égide de maisons artis­tiques qui ne récla­ment rien de lui qu’il fonc­tionne le mieux ; des parte­naires réguliers comme le KVS à Brux­elles et surtout LOD muziek­the­ater à Gand qui sou­tient son tra­vail depuis plus de dix ans et lui per­met de dévelop­per ses créa­tions en toute lib­erté. La rai­son est sim­ple : pour Josse De Pauw, toute créa­tion artis­tique com­mence par une ren­con­tre et non par une oblig­a­tion. 

Aus­si chère lui soit la lib­erté, Josse De Pauw ne souhaite pas pass­er pour un soli­taire. « Je suis un mélange d’homme social et de soli­taire. Je ne suis pas fait pour une for­ma­tion fixe, qui me sem­ble vite trop con­traig­nante. Mais per­son­ne n’aime tra­vailler seul. Je com­pose désor­mais ma pro­pre équipe en fonc­tion du spec­ta­cle que je veux mon­ter. » Pour rester cet élec­tron libre auto­proclamé, Josse De Pauw se mon­tre aus­si par­ti­c­ulière­ment fidèle. Si l’on par­court l’impressionnante liste de col­lab­o­ra­tions qui ont émail­lé sa longue car­rière, plusieurs noms sur­gis­sent avec récur­rence. Le musi­cien Peter Ver­meer­sch est l’un d’eux. Com­pagnon de la pre­mière heure, il était à ses côtés lors de temps forts comme l’autobiographique Weg de 1998 et Revue Rav­age en 2015. Josse de Pauw a égale­ment col­laboré à plusieurs repris­es avec le com­pos­i­teur Jan Kuijken. Sans oubli­er une foule d’amitiés artis­tiques avec des gens comme Eric Thiele­mans, George van Dam, Koen­raad Tinel, Dirk Roofthooft, Claire Cheval­li­er, Tom Jansen, etc. 

Cette liste de parte­nar­i­ats artis­tiques per­met de soulign­er un fait remar­quable : on y voit au moins autant de musi­ciens que d’acteurs ou de pro­fes­sion­nels du théâtre. La musique a tou­jours joué un rôle dans la vie de Josse De Pauw (il suf­fit de penser au rythme muet des spec­ta­cles de Radeis) mais, au fil des années, elle n’a cessé de gag­n­er en impor­tance. Après avoir décou­vert qu’il pou­vait jouer, puis par­ler, la musique a suivi naturelle­ment. « C’est comme si une chose en entraî­nait une autre », explique-t-il.

La musique n’intervient pas seulement dans la parole rythmée qu’il s’est appropriée, mais la plupart de ses spectacles sont aussi plus explicitement des productions de théâtre musical, pensées et créées en étroite collaboration avec des musiciens. Qu’a-t-elle de plus que la langue, la musique ? Elle est plus abstraite et donc plus ambiguë que la parole.

Je n’ai aucune for­ma­tion musi­cale et la musique fait donc plus appel à mon intu­ition. C’est cela qui me plaît. La musique ne peut s’expliquer que dans une cer­taine mesure ; elle est moins liée au sens, alors que les mots sont avant tout por­teurs de sens. Je le ressens comme une entrave, même si la poésie offre occa­sion­nelle­ment une solu­tion.

Josse De Pauw

L’amour de Josse De Pauw pour la musique et la scène musi­cale n’a rien de for­tu­it : il s’agit une fois de plus d’un désir de lib­erté. Comme l’a écrit la dra­maturge Mar­i­anne Van Kerk­hoven, « le rêve de Josse De Pauw con­siste à attein­dre un jour sur scène la même lib­erté d’improvisation que les musi­ciens de jazz. » L’une de ses ten­ta­tives les plus réussies à cet égard fut An Old Monk, en 2012. Accom­pa­g­né d’un trio de musi­ciens sous la direc­tion du pianiste Kris Defoort, il se livre à une « petite danse » ani­mée par l’esprit de Thelo­nious Monk. Josse De Pauw dirige la musique tout en la suiv­ant, comme cela se pro­duit en jazz, car être musi­cien sig­ni­fie aus­si « se met­tre au ser­vice de l’autre ». On peut briller au pre­mier plan pour ensuite céder sa place aux autres. Il s’agit autant de don­ner que de pren­dre. En toute con­fi­ance vis-à-vis de ce que les autres vont faire, car la con­fi­ance est pré­cisé­ment à la base de toute rela­tion sur scène. 

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