I
Je suis seule. Dans un lieu sur une route identique du début à la fin. Cela fait des jours que je marche. Je suis partie quand il faisait encore froid et l’automne s’éloignait. Maintenant les fleurs sont déjà de retour. La campagne sur les côtés. Devant. Derrière. Je suis toujours debout sur la route sans savoir où aller. Je ne pense pas. Il faut que je pense un peu. Une voiture passe à toute vitesse sur la route. Je dois commencer à penser et je me demande si je me mets à fumer une cigarette ou pas. Et je décide que oui. Mais je n’ai pas de cigarettes. Et il n’y a rien alentour. Tout autour de moi est vert ou asphalte. Et je renonce à l’idée de fumer une cigarette. Un homme apparaît sur une bicyclette. J’ai une conversation avec lui. Je lui demande vers où c’est A, l’endroit où je veux aller. Il me dit que non, que là, je vais vers B, un endroit dont je n’avais jamais entendu parler. Il me dit que A c’est loin et que je n’y aille pas seule. On ne peut pas y aller seul. On ne va pas là-bas seul. Il se propose de m’accompagner, non merci. Il me propose sa bicyclette, non merci. Il m’accompagne sur le côté de la route, il s’approche de moi, il m’offre une cigarette, non merci. Je continue à marcher et lui reste là avec sa bicyclette sur le bord du chemin. Debout, avec un pied sur la pédale et le dos penché de l’autre côté, en équilibre. Quand je me retourne et que je le vois, j’ai de la peine pour cet homme que je ne connais pas et qui me regarde tout en maintenant l’équilibre. Je reviens. Je fume une cigarette et je vais avec lui à B, où il vit avec sa femme et son fils. Ce jour-là nous arrivons à sa maison et il fait nuit. Sa maison est près de la route, elle est couverte de ciment blanc. Sur les côtés de la route tout est obscurité. Sur le devant de sa maison une lumière blanche. Nous entrons. Nous dînons. Je m’assois à sa table carrée, sur une chaise en bois. Nous dînons. Nous buvons du vin. On entend une télévision en bruit de fond. Sa femme et son fils me sourient. Je leur souris. Ils sont aimables. La maison me calme. Au moins c’est une maison. Cette nuit-là je reste dormir là et je ne continue pas vers où j’étais en train d’aller.