Questionner, se surprendre, se renouveler

Entretien
Théâtre

Questionner, se surprendre, se renouveler

Questions au collectif Rien de Spécial/Énervé

Le 14 Nov 2019
Alice Hubball, Hervé Piron, Marie Lecomte et Eno Krojanker, collectif Rien de Spécial et Énervé. Photo Olivier Donner.
Alice Hubball, Hervé Piron, Marie Lecomte et Eno Krojanker, collectif Rien de Spécial et Énervé. Photo Olivier Donner.
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Couverture du numéro 139 - Nos alternatives
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Qu’est-ce que vous faites ensem­ble ? 

Des créa­tions théâ­trales : les spec­ta­cles s’écrivent à par­tir du tra­vail de plateau. Voilà ce qui nous ani­me et notre prin­ci­pale activ­ité. R.d.S. – N.R.V. est né de la fusion de deux col­lec­tifs. Rien de Spé­cial (R.d.S.) a créé deux spec­ta­cles tout pub­lic, trois « jeune pub­lic » et une série de per­for­mances et de formes cour­tes. Aucune de ces formes n’est par­tie d’un texte. Énervé (N.R.V.) a à son réper­toire trois spec­ta­cles, et seul Des­per­a­do qui est né d’une col­lab­o­ra­tion avec la com­pag­nie fla­mande Tris­tero, est par­ti d’un texte préex­is­tant.

Com­ment vous êtes-vous trou­vés ?

Nous sommes amis de longue date, tous plus ou moins sor­tis de nos écoles d’art dra­ma­tique en même temps au début de ce siè­cle… Après quelques années de pra­tique nous avons très vite eu envie de nous réu­nir pour mon­ter nos pro­pres créa­tions, en plus du tra­vail d’acteurs et actri­ces que nous con­tin­uons en par­al­lèle. 

Que refusez-vous ?
Qu’affirmez-vous ?

Nous refu­sons de com­mencer les répéti­tions avec une con­cep­tion figée de notre mise en scène. Tous les créa­teurs (son, scéno, lumières) suiv­ent l’évolution du tra­vail de répéti­tion et créent en dia­logue avec le plateau. Nous sommes atten­tifs à la forme et envis­ageons chaque représen­ta­tion comme un jeu avec le pub­lic et les codes de la représen­ta­tion. Nous cher­chons à ce que nos spec­ta­cles soient acces­si­bles à tous les publics et revendiquons une lib­erté de ton. Nous pra­tiquons un humour sou­vent qual­i­fié d’« acide », qui nous per­met d’aborder des sujets graves ou sen­si­bles avec un regard décalé. 

Quels sont vos objec­tifs ?

Con­tin­uer à se ques­tion­ner, à se sur­pren­dre et à renou­vel­er nos pra­tiques.

Com­ment tra­vaillez-vous ?

Nous con­sacrons beau­coup de temps à dis­cuter en amont du tra­vail de plateau, afin de cern­er et enrichir notre sujet. Ensuite nous définis­sons des pistes d’improvisations, puis cha­cun arrive avec des propo­si­tions que nous testons sur scène. Nous nous fil­mons. Ensuite nous défri­chons et définis­sons une trame à par­tir des propo­si­tions scéniques qui nous sem­blent intéres­santes. Nous retournons « à la table », nous dis­cu­tons et écrivons/retranscrivons le texte. À par­tir de ce moment nous sommes tou­jours en aller-retour entre le plateau et la table, l’écriture évolu­ant sans cesse. C’est de cette façon que nous avons fonc­tion­né jusqu’à présent, mais notre proces­sus évolue et pour le prochain pro­jet nous pour­rions procéder dif­férem­ment. 

Com­ment se prend une déci­sion ? 

De façon col­lec­tive, en dis­cus­sion. En général nous sommes d’accord… 

Quelle est la vie organique du groupe ?
Qui entre, qui sort ?
(com­ment se vit la fidél­ité) 

Il y a le noy­au de groupe : 3 acteurs pour le col­lec­tif  Rien de Spé­cial et 2 pour le col­lec­tif Énervé. Nous sommes sou­vent tous sur le plateau, mais par­fois il arrive que l’un d’entre nous soit à la mise en scène ou en regard extérieur. Dernière­ment nous avons eu envie de faire appel à d’autres acteurs et actri­ces qui rejoignent l’équipe pour des pro­jets en par­ti­c­uliers. Nous tra­vail­lons tou­jours avec le même créa­teur son depuis la créa­tion de nos deux col­lec­tifs (Maxime Bod­son). Pour nos pre­mières créa­tions nous avions nous même pris en charge la scéno­gra­phie. Depuis nous avons col­laboré avec Prunelle Rul­lens et Aline Breuck­er, qui ont toutes deux adhéré à la démarche de « work in Progress », leurs propo­si­tions scéno­graphiques évolu­ant au fil des répéti­tions. C’est dans ce même esprit que Lau­rence Hal­loy a créé les lumières de nos derniers spec­ta­cle. Nous tra­vail­lons sou­vent avec les mêmes créa­teurs, il est impor­tant pour nous de nous entour­er d’une équipe qui porte le pro­jet dans son ensem­ble. Tous les créa­teurs, ain­si que le régis­seur ou la régis­seuse, don­nent leurs avis pen­dant les répéti­tions, tant au niveau de la mise en scène que de la dra­maturgie. Cette mul­ti­plic­ité des points de vues est enrichissante. Bien sûr il faut définir un axe et faire le tri par­mi ces retours avant de retourn­er sur le plateau. 
Nous col­laborons égale­ment avec d’autre com­pag­nies. Récem­ment, nous avons créé Des­per­a­do avec Tris­tero (qui est aus­si un col­lec­tif).
En mai 2019, nous avons réu­ni toutes les forces vives des deux col­lec­tifs (Rien de Spé­cial et Énervé) sur un spec­ta­cle : Rater Mieux Rater Encore. Cela a été l’occasion de se fédér­er au ser­vice d’un même pro­jet.

Quelle est la durée de vie de cette asso­ci­a­tion ? 

La pre­mière créa­tion du col­lec­tif Énervé Petit-déje­uner orageux un soir de car­naval a eu lieu en févri­er 2008. Celle du col­lec­tif Rien de Spé­cial In Vit­rine en 2010. Déjà une décen­nie de tra­vail en com­mun. Nous nous sommes mutu­al­isé en une seule asbl en 2018. Les col­lec­tifs con­tin­u­ent à avoir des lignes artis­tiques dis­tinctes, tout en col­lab­o­rant au niveau logis­tique. Nous comp­tons tra­vailler ensem­ble sur du long terme, mais per­son­ne ne sait ce que l’avenir nous réserve !

Quelle appellation/signature ?
col­lec­tif, bande, groupe, troupe, ensem­ble… 

Col­lec­tifs !

Quelles sont vos influ­ences (théâ­trales et non théâ­trales ?)

Nous nous sen­tons proches des col­lec­tifs Tran­squin­quen­nal ou tg stan, en Bel­gique. Pour la France et l’étranger, citons : Les Chiens de Navarre, Forced Enter­tain­ment, 26000 Cou­verts, Grand Mag­a­sin.

Con­statez-vous un retour du leader ?

Non. Dernière­ment nous avons ressen­ti le besoin de met­tre quelqu’un à la mise en scène, que ce soit l’un d’entre nous ou une per­son­ne extérieure. Mais notre con­cep­tion du tra­vail de mise en scène n’est pas dans le « lead­er­ship », nous créons tous ensem­ble.

Y a‑t-il une dimen­sion poli­tique à votre démarche col­lec­tive,
un pro­jet poli­tique à affirmer et défendre ?

Cela dépend évidem­ment de ce que l’on entend par poli­tique…
Avec Rien de Spé­cial, nous par­lons de ques­tions « de société », comme le culte du bon­heur, l’angoisse écologique ou la ques­tion du genre. Nous ten­tons de dénon­cer ce qui ne va pas, avec humour, autodéri­sion et en nous remet­tant nous-même en ques­tion. Cepen­dant nous refu­sons tout didac­tisme et ne cher­chons pas à apporter de réponse, ou à revendi­quer une idéolo­gie pré­cise.
Avec Énervé nous sommes à un niveau per­son­nel. Nos créa­tions par­lent de rap­ports de pou­voir, de manip­u­la­tion, d’angoisse exis­ten­tielle. Des préoc­cu­pa­tions a pri­ori moins poli­tiques. Quoique…

Y a‑t-il une men­ace à tra­vailler ensem­ble ?

Sachant que 30 % des ren­con­tres amoureuses se font sur les lieux de tra­vail, il y a cer­taine­ment un risque, oui…

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