J’ai grandi dans un salon de coiffure, dans un village blanc entouré de vignobles en plein cœur de l’Andalousie.
Ma mère s’appelle Rafaela, mais les « mesdames » l’appelaient Fali.
Je me souviens de son image et de ses mains qui dansaient avec les ciseaux, le peigne fin et la chevelure des femmes.
Je me souviens de la lumière entrant par la fenêtre un après-midi d’été et ses milliers de poussières.
Je me souviens du miroir énorme pour mes yeux de petite fille qui trônait au centre du salon de coiffure.
Et du reflet de mon visage sur ce miroir !
C’est là que tout a commencé : mon désir de le traverser, d’être regardée et mon inquiétude à comprendre la spécificité de l’âme humaine.
Espace de confidences, de transformations et de confessions féminines.
Lieu de rituels, lieu de passage, premier lieu de théâtre.
Mais quel rapport avec le masque et son pouvoir de transformation ?
Le masque est miroir, comme il est medium pour passer de l’autre côté.
Là où s’enfouit l’essence de ce qui nous constitue en tant qu’humain.
« C’est comme si le masque révélait ce qu’est une créature humaine en vérité, comme si elle sortait en dehors de la personne son intimité la plus cachée et les faits de sa vie les plus enfouis », nous dit María Zambrano.
Le masque ne masque pas.
Le masque ne cache pas.
Le masque n’occulte pas.
Miroir de l’âme, le masque vient percuter mon moi et faire résonner, réveiller et mettre à nu l’espace de mon intime et la pluralité des visages, des états, des mondes, paysages et histoires qui nous habitent.
Cette « mise à nu » de soi se manifeste d’abord par la chair, les muscles, les nerfs. Du fait que le masque oblige son porteur à être à son service.
Celui ou celle qui pense s’occulter derrière un masque se trompe et bientôt sera effrayé de sentir dans sa chair l’effet que le masque provoque.