Avec ses deux courts-métrages Ondes noires et Swatted, le réalisateur Ismaël Joffroy Chandoutis nous invite à découvrir un entre-deux mondes très imbriqué, entre réalité et virtualité, une frontière où questionnement des technologies et jeux de miroir/mutation des images délimitent de nouveaux territoires visuels. Un cinéma abstrait, mais jamais coupé des hommes dans sa fonction documentaire, et manipulatoire tant il se rapproche d’une forme de hacking sensitif.
Passé par l’école du Fresnoy – où s’inventent les nouvelles passerelles entre productions audiovisuelles, cinéma et numérique – le jeune réalisateur Ismaël Joffroy Chandoutis a déjà développé une approche cinématographique très technologique et personnelle. Ses deux premiers courts-métrages proposent un travail des images et du son particulier, par le biais duquel semer la confusion chez le spectateur au moyen d’effets de manipulations (d’ondes magnétiques pour Ondes noires et de données on-line pour Swatted), s’avère un élément essentiel de son esthétique.
Dans Ondes noires, où il met en scène des personnes intolérantes aux ondes magnétiques dans leur confrontation physique et mentale avec cette technologie de l’invisible, les images semblent muter comme si elles subissaient les ondes perçues par les personnes-cibles. Dans Swatted, qui s’intéresse au phénomène du swatting– une forme de piraterie online de gamers où des hackers s’amusent à dénoncer des crimes à la police en donnant l’adresse d’un joueur de jeu vidéo connecté en ligne, ce qui conduit à la captation live de son interpellation souvent très musclée –, Chandoutis s’appuie sur l’effet miroir entre la représentation du jeu et ce qui se passe dans le réel pour créer une véritable dramaturgie. Une dramaturgie d’un détournement de la réalité commise par des hackers, elle-même détournée par son film, réalisé sans caméra, et où le travail sur l’image procède du détournement d’éléments de texture d’un jeu vidéo dont il ne conserve que le squelette graphique. Il y rajoute ensuite au montage des éléments réels rapportés et recontextualisés, comme des appels téléphoniques enregistrés par la police ou des confessions de hackers sur YouTube.
Manipulation des zones tampons
- L’ensemble des propos d’Ismaël Jeoffroy Chandoutis est extrait d’un entretien avec Laurent Catala, mars 2020 ↩︎