La carrière de Maria Alice Vergueiro est le reflet de la foisonnante histoire du théâtre de la ville de São Paulo des années 1960 à nos jours, tout en étant hors norme et flirtant avec les marges. Actrice, pédagogue et metteuse en scène, elle traverse les grandes institutions théâtrales sans hésiter à en brûler les codes et à descendre littéralement dans ses sous-sols.
En 1962, elle joue dans La Mandragore de Machiavel avec la compagnie Teatro de Arena dans une mise en scène d’Augusto Boal, alors que celui-ci n’avait pas encore forgé son Théâtre de l’Opprimé. En 1972, elle était dans la distribution de Gracias, Señor mis en scène par José Celso Martinez Corrêa. Ce spectacle est un tournant dans les méthodes de travail du Teatro Oficina, mais il est aussi considéré comme la première création collaborative d’envergure au Brésil, démarche devenue par la suite l’une des marques de fabrique de la scène brésilienne.
Ses participations, dans sa première décennie de carrière, à deux des compagnies les plus avant-gardistes de l’époque suffiraient pour inscrire le nom de Maria Alice Vergueiro dans la construction de la modernité de la scène paulista. Mais sa capacité à renouveler son jeu a fait d’elle une icône des mises en scène engagées dans la recherche scénique : elle a joué dans Electra Com Creta (1986) de Gerald Thomas et Temporada de Gripe (2004) de Felipe Hirsch, pour ne citer que ces deux exemples.
Cette force motrice ne se restreint pas uniquement au jeu : Maria Alice Vergueiro a aussi fondé deux compagnies, le Teatro do Ornitorrinco et le Grupo Pândega. La première, créée à la fin des années 1970 aux côtés de Cacá Rosset et Luiz Roberto Galízia, entame ses représentations dans les caves du Teatro Oficina et marque profondément l’histoire du théâtre brésilien. La deuxième, créée dans les années 2010 avec Luciano Chirolli et Fábio Furtado, est active encore aujourd’hui. Elle a été également, durant de nombreuses années, l’un des piliers du Teatro Oficina.
Revenir ici sur la carrière de Maria Alice Vergueiro – plus qu’un hommage à cette actrice, peu après son décès survenu le 3 juin 2020 – permet de conjuguer l’histoire du théâtre brésilien au féminin et sous le prisme du jeu.